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Cinq femmes révolutionnaires contre le tsar

Vera Zassoulitch, Praskovia Ivanovskaïa, Olga Lioubatovitch, Elisabeth Kovalskaïa et Vera Figner sont cinq conspiratrices fougueuses du mouvement révolutionnaire russe des années 1870-1880. Dix ans après l’abolition du servage, la première vague de lutte contre l’absolutisme tsariste prend principalement la forme d’une marche de la jeunesse vers le peuple paysan et ouvrier. Face à la répression, le mouvement se transforme : à la propagande et l’agitation s’ajoutent l’organisation secrète, la fomentation de révoltes paysannes, le combat armé et les attentats. Le 1er mars 1881, le tsar Alexandre II lui-même est tué lors d’un attentat à Pétersbourg.

Rédigés en partie dans l’isolement de l’exil ou le silence de la prison, ces récits autobiographiques retracent les extraordinaires parcours rebelles de ces cinq rêveuses de la liberté. Leurs mémoires racontent les multiples facettes de leur engagement révolutionnaire, notamment au sein de deux formidables organisations souterraines : Zemlia i Volia (« Terre et Liberté ») et Narodnaïa Volia (« La Volonté du Peuple »). Ils nous plongent dans l’agitation ouvrière et paysanne, les attentats et évasions, l’exaltation et le désir, les imprimeries clandestines, mais aussi la répression implacable, la vie rude dans la clandestinité, la douleur et le tourment, l’exil et la trahison. Nourris par l’élan de l’émancipation individuelle et la volonté de se libérer du carcan patriarcal, ce sont des récits intimes de farouches combats révolutionnaires.

hiver 2025
448 pages // 14 euros

Sommaire

Préface

Cinq soeurs contre le tsar (introduction

Vera Zassoulitch
Enfance et jeunesse
L’affaire Netchaïev
Souvenirs de Netchaïev
Souvenirs de l’attentat contre Trepov
Serge Mikhaïlovitch Kravtchinski
Éléments. Souvenirs personnels

Elisabeth Kovalskaïa
Autobiographie
Mes rencontres avec Sofia Perovskaïa

Olga Lioubatovitch
Le proche et le lointain

Praskovia Ivanovskaïa
Autobiographie

Vera Figner
Attentats
Le 1er mars 1881

Introduction


I

Dans les années 1870, le mouvement révolutionnaire russe atteint des proportions massives pour la première fois de son histoire. Le populisme révolutionnaire, dédié à la libération de la paysannerie opprimée, attire des milliers d’adhérents, et les chiffres des arrestations suggèrent qu’environ quinze pour cent d’entre eux sont des femmes. Les femmes participent à toutes les phases du mouvement, depuis la propagande auprès de la paysannerie, qui a prédominé au début de la décennie, jusqu’au « terrorisme », qui a culminé avec l’assassinat du tsar Alexandre II le 1er mars 1881. En outre, les femmes occupent souvent des postes de grande responsabilité. Parmi les cinq femmes dont les mémoires sont présentés dans ce livre, Olga Lioubatovitch, par exemple, a fait partie du premier groupe de propagandistes révolutionnaires à travailler comme ouvrières d’usine. En 1878, Vera Zassoulitch initie la phase terroriste en tentant d’assassiner le gouverneur de Pétersbourg. Àprès le 1er mars 1881, Vera Figner devient la principale dirigeante de La Volonté du Peuple, le parti qui a perpétré l’assassinat. Le rôle joué par les femmes, qui aurait été extraordinaire pour n’importe quel mouvement révolutionnaire du XIXe siècle, est d’autant plus remarquable que leur lutte se déroule dans une société strictement hiérarchisée, où les femmes sont considérees à peu de chose près comme propriété de leurs pères et de leurs maris. Juridiquement, les femmes sont soumises à l’autorité absolue de ceux-ci et, jusqu’en 1869, aucune éducation au-delà du niveau secondaire n’est accessible aux femmes, où que ce soit en Russie. Cette terrible oppression explique peut être pourquoi les femmes ont pris part de manière si importante au mouvement radical à partir des années 1850.
Dénonçant l’asservissement des femmes à la famille patriarcale, des écrivains masculins comme Tchernychevski prônent des relations amoureuses dans lesquelles les femmes peuvent conserver leur autonomie ; ils réclament une éducation supérieure et des emplois pour permettre aux femmes d’atteindre l’indépendance économique.
Au cours des années soixante, cette première formulation de la « question des femmes » se traduit par le fait que des centaines de jeunes femmes de la noblesse quittent leur foyer en quête d’autonomie individuelle. Dès le début, la libération individuelle et la libération sociale sont intimement liées, d’une part parce que ces femmes sont des pionnières, se rebellant contre les relations patriarcales qui oppriment toutes les femmes, et d’autre part parce qu’elles sentent qu’un bouleversement profond est nécessaire pour améliorer de manière significative la situation des femmes et du peuple en général. C’est pour cette raison que le célèbre roman de Nikolaï Tchernychevski, Que faire ?, a une telle influence. Ce roman devient un modèle, apportant des solutions pratiques à la « question des femmes » dans une perspective révolutionnaire : mariages « fictifs », contractés uniquement dans le but d’extraire les femmes du foyer de leurs parents ; chambres séparées pour les couples qui vivent ensemble afin de préserver l’indépendance émotionnelle et affective des deux parties ; et situations de vie et de travail collectives pour permettre aux femmes de survivre économiquement dans une société qui cherche à les priver de toute indépendance.
Mais c’est d’abord l’enseignement qui est jugé indispensable pour que les femmes accèdent à l’indépendance économique et à l’égalité intellectuelle avec les hommes, et c’est surtout cette soif de s’éduquer qui motive les femmes des années soixante et les rassemble. Àu cours de cette décennie, de nombreux groupes de femmes, comme celui d’Elisabeth Kovalskaïa à Kharkov, demandent en vain l’accès aux universités de Russie. Jusqu’en 1869, les femmes n’ont accès qu’à des pensionnats, dont les meilleurs n’offrent qu’une éducation superficielle, les cours de pédagogie ouverts à Pétersbourg en 1866 et quelques cours de formation de sages-femmes. Si les femmes veulent apprendre quelque chose d’autre, elles doivent le faire par elles-mêmes. C’est ainsi que les cercles d’auto-éducation (les groupes d’étude) se multiplient dans les années soixante.
Les femmes participent également activement aux efforts visant à étendre l’éducation élémentaire et politique à la classe ouvrière. Vera Zassoulitch, par exemple, enseigne dans les écoles du soir et les écoles du dimanche créées par les radicaux pour les travailleurs de Pétersbourg. À Kharkov, Elizabeth Kovalskaïa utilise son héritage pour créer une école du soir pour les travailleuses, où des conférences sont données sur le féminisme et le socialisme.
Au cours des années soixante, les femmes ne participent en général pas à d’autres formes d’activités radicales de manière intensive, ou sur un pied d’égalité avec les hommes. Certes, les hommes considérent les femmes comme des révolutionnaires potentielles et les aident souvent à se libérer – en contractant des mariages fictifs, par exemple. Mais en Russie, où les libertés civiles sont inexistantes et où le gouvernement emploie un vaste réseau d’espions policiers, le petit groupe clandestin – souvent formé autour d’un seul individu, invariablement un homme – devient la forme caractéristique de l’organisation révolutionnaire. Lorsque les femmes sont impliquées, elles jouent un rôle plutôt périphérique ou auxiliaire. Vera Zassoulitch, par exemple, est marginalement associée à Sergei Netchaïev, un révolutionnaire ambiguë actif dans le mouvement étudiant de la fin des années 1986. Dans son Catéchisme Révolutionnaire, écrit en collaboration avec Mikhaïl Bakounine, Netchaïev décrit le rôle des femmes dans le mouvement révolutionnaire. Selon lui, un premier groupe, « les têtes vides, les insensées, les sans-cœur », doit être exploité et devenir l’esclave des hommes. Un deuxième groupe, les femmes « enthousiastes, dévouées et capables » mais qui ne sont pas totalement engagées dans la révolution, doit être incité à révéler ses sympathies, après quoi la plupart d’entre elles périront, tandis que les autres deviendront de vraies révolutionnaires. Enfin, le troisième groupe de femmes, « qui sont vraiment des nôtres », doit être considéré comme « notre joyau le plus précieux, dont l’aide est absolument indispensable ». Mais même un « joyau de grande valeur », comme Zassoulitch, n’est qu’une aide, exclue de la direction et de la prise de décision. D’ailleurs, Netchaïev exige aussi une obéissance sans faille de la part des hommes de sa petite organisation révolutionnaire, et lorsque l’un d’entre eux, Ivan Ivanov, exprime certains doutes, Netchaïev décide qu’il devait être tué. À quatre autres membres du groupe, Netchaïev affirme disposer de preuves (qu’il n’a jamais produites) qu’Ivanov est un traître, et le 21 novembre 1869, ils passent à l’acte. Le corps d’Ivanov est rapidement découvert et, pendant plusieurs mois, la police arrête un grand nombre de radicaux dans le cadre de cette affaire, bien que certains n’aient quasiment pas de lien avec Netchaïev. Netchaïev lui-même réussit à s’enfuir à l’étranger et à échapper à la police tsariste pendant près de trois ans.
Les révélations produites par son procès ont beaucoup d’influence sur la forme du mouvement des années soixante-dix : dans les cercles radicaux, l’aversion pour ses méthodes dictatoriales et malhonnêtes sont si forte que, pendant des années, toute tentative de création d’une organisation tendant vers le centralisme suscite une grande méfiance. Les groupes révolutionnaires du début des années soixante-dix sont consciemment libertaires et égalitaires, se basant sur le principe de l’honnêteté et du respect mutuel entre camarades. Les femmes sont acceptées comme membres à part entière.
Les établissements d’enseignement supérieur jouent un rôle particulièrement important dans la formation des femmes révolutionnaires des années soixante-dix. La création des cours dit « Alarchinski » en 1869 marque un tournant dans le développement du mouvement des femmes en Russie. Le gouvernement avait fini par céder aux femmes désireuses de recevoir une éducation supérieure un accès à des programmes non diplômant. Dès le début des centaines de jeunes femmes venues de toute la Russie affluent à Pétersbourg.
Les cours Alarchinski sont pour les femmes une occasion inestimable de se rencontrer et de développer leurs idées sociales, tout en approfondissant leurs connaissances en sciences et en mathématiques. L’activité féministe y est florissante. Elisabeth Kovalskaïa décrit la succession ininterrompue de réunions au cours desquelles les étudiantes – les hommes en étaient exclus – discutent de leur position dans la famille et de leur rôle dans la société. Très vite, les sujets d’étude s’étendent à d’autres questions sociales, telles que la situation de la classe ouvrière et de la paysannerie. À partir de 1871, ces préoccupations « éclipsent » le féminisme pour une partie des femmes qui en viennent à penser que le besoin le plus pressant de la Russie est une « révolution sociale » – une révolution qui redistribuerait les terres parmi la paysannerie – et qu’elles peuvent mieux faire avancer cette cause en se joignant aux hommes au sein de groupes mixtes.
Une évolution similaire – en partant du féminisme pour aller vers le populisme révolutionnaire – a également lieu à Zurich. La création des cours Alarchinski n’ayant pas satisfait le désir des femmes de recevoir une formation professionnelle, un nombre croissant de femmes russes se rendent à l’étranger au début des années soixante-dix. En 1873, plus d’une centaine de femmes russes étudient la médecine en Suisse. À cette époque, la Suisse est également un refuge pour les radicaux russes en exil. La vie révolutionnaire est particulièrement intense à Zurich, et de nombreuses étudiantes russes s’y investissent : elles assistent aux réunions de la section locale de l’Association internationale des travailleurs (AIT, la première Internationale), dévorent les ouvrages importants du socialisme européen et participent à la composition du journal radical émigré Vpered ! (« En avant ! »), tout en poursuivant leurs études avec passion. Àfin d’approfondir les nouvelles idées qu’elles rencontrent, treize de ces étudiantes, dont aucune n’a plus de vingt ans, forment un groupe d’étude appellé le cercle Fritsche, du nom de la pension dans laquelle elles vivent. Le groupe comprend notamment Olga Lioubatovitch et sa jeune sœur Vera, ainsi que les sœurs Vera et Lydia Figner. En 1873, la plupart des membres du cercle décident de retourner en Russie pour y entreprendre des activités révolutionnaires. Elles entament des pourparlers avec un groupe de jeunes émigrés masculins et, en 1874, elles fusionnent pour former l’Organisation social-révolutionnaire panrusse.
Devenues populistes radicales, les membres du cercle Fritsche abandonnent le féminisme, comme l’avaient fait quelques années plus tôt les membres des cercles de femmes de Pétersbourg. Dans les années soixante-dix, les femmes et les hommes considérèrent que la libération des femmes est avant tout un combat pour l’autonomie individuelle des femmes, combat qui n’est pas perçu comme « prioritaire » dans un mouvement radical agissant dans les conditions politiques les plus dures et où les exigences conspiratives tendent si souvent à prendre le dessus des aspirations personnelles. Néanmoins, l’importance du mouvement féministe dans la formation des femmes révolutionnaires des années soixante-dix ne peut être minimisée. Il leur a permis de se rendre compte de leur propre capacité d’action, et offert l’expérience inestimable de développer leurs idées indépendamment des hommes ; grâce à cela, elles ont développé des liens de sororité qu’elles ont maintenus dans les groupes radicaux mixtes ultérieurs. Leurs propres forces ont permis aux femmes de participer sur un pied d’égalité au mouvement populiste.

II

Le 19 février 1861, le tsar Alexandre II libère les paysans (la grande majorité de la population) après des siècles de servage. Mais il ne leur donne pas les terres qu’’ils ont si longtemps cultivées et qu’ils estiment leur appartenir de droit ; ils sont obligés de les racheter au gouvernement à des prix qui dépassent parfois de loin la valeur marchande réelle. Le caractère insatisfaisant de l’ « Emancipation » provoque des actes de résistance violents mais sporadiques parmi les paysans. Parmi l’intelligentsia, il conduit à l’émergence de nombreux petits groupes qui croient à la nécessité et à l’imminence d’une révolution pour réaliser la redistribution des terres.
En 1866, Dimitri Karakozov, membre d’un de ces groupes révolutionnaires, paye de sa vie une tentative infructueuse d’assassinat du tsar. Lorsque ses geôliers lui demandent ses motivations, il répond : « Regardez la liberté que vous avez donnée aux paysans ! »
Les populistes n’ont jamais développé un corps de doctrine unifié comparable au marxisme, mais cela ne les empêchent pas de partager – au moins jusqu’à la fin des années 1870 – un certain nombre de principes fondamentaux. Elles pensent que la paysannerie est intrinsèquement socialiste (comme en témoigne leur culture communautaire de la terre) et qu’une révolution agraire permettrait à la Russie de passer directement au socialisme. Mais il est impératif que cette révolution soit réalisée immédiatement, car le capitalisme, bien qu’encore précoce en Russie, commence déjà à miner la communauté paysanne (« Obchtchina »). Une révolution « politique », visant à remplacer la forme absolutiste du gouvernement russe par un régime constitutionnel, ne serait d’aucune utilité pour la paysannerie ; seule une révolution « sociale », par et pour la paysannerie, peut ouvrir un horizon d’affranchissement et de liberté.
Mais comment les révolutionnaires issus des classes privilégiées doivent-ils aborder la paysannerie, le peuple ? Sur cette question, les radicaux russes ont tendance à se diviser en partisans de Piotr Lavrov et de Mikhaïl Bakounine, les deux écrivains qui ont le plus contribué à faire du populisme un mouvement de masse dans les années 1870. Dans ses Lettres historiques, publiées en 1870, Lavrov affirme que la culture des classes cultivées a été achetée à la sueur et au sang de la paysannerie laborieuse ; qu’en conséquence, l’intelligentsia privilégiée a une dette morale envers la paysannerie et que le moyen de rembourser cette dette est de mettre ses connaissances au service du peuple. Bakounine, quant à lui, soutient que le devoir du révolutionnaire n’est pas d’enseigner, mais d’apprendre des masses paysannes et de fusionner avec elles. La paysannerie est toujours prête pour la révolution – Bakounine rappelle constamment les rébellions paysannes massives respectivement menées par Stenka Razin et Emilian Pougatchev aux XVIIe et XVIIIe siècles – et n’a besoin que d’une étincelle pour la déclencher. Le révolutionnaire doit fournir cette étincelle et aider à unifier les rébellions locales en un soulèvement à l’échelle nationale.
Des débats houleux éclatent entre les partisans respectifs de Bakounine et de Lavrov. Mais lorsque le premier mouvement de masse « vers le peuple » se matérialise en 1874, il est essentiellement spontané et non coordonné, et il s’accommode aisément des deux orientations. Cet été-là, des milliers de jeunes gens – principalement des étudiants et des étudiantes – se rendent dans les campagnes russes, seuls ou en petits groupes, pour partager la vie des gens du peuple et diffuser la propagande socialiste. Ils s’habillent en paysans et apprennent parfois des métiers comme celui de cordonnier dans l’espoir de trouver du travail et d’établir des contacts avec la population. Certaines s’installent à un endroit précis, mais la plupart font de la « propagande volante », c’est-à-dire qu’elles se déplacent rapidement de village en village. Les idées socialistes qu’elles prêchent prennent parfois la forme de paraboles formulées dans la langue des gens du peuple, mais souvent les propagandistes se contentent de paraphraser leurs propres lectures des ouvrages socialistes d’Europe occidentale. La réaction des paysans est variable : peu sont sympathisants, la majorité est déconcertée, indifférente, voire hostile. En aucun cas les populistes des villes ne réussissent à déclencher un soulèvement révolutionnaire. Les propagandistes révolutionnaires agissent généralement ouvertement, sans se soucier de leur sécurité personnelle, et tous, sauf quelques-uns, tombent entre les mains de la police. Certains sont dénoncés par les paysans mêmes. À la fin de l’année, quatre mille personnes sont arrêtées, interrogées ou emprisonnées.
Les membres de l’Organisation social-révolutionnaire panrusse adoptent une approche différente lorsqu’ils rentrent en Russie au début de l’année 1875. Comme toutes les populistes du début des années soixante-dix, elles sont convaincues que la paysannerie doit être la principale force de la révolution. Mais plutôt que de s’organiser parmi les paysans eux-mêmes, ils prennent le parti de faire de la propagande parmi les ouvriers d’usine, qui sont pour la plupart saisonniers : lorsque ces ouvriers retournent périodiquement dans leur village natal pour aider aux travaux agricoles, ils sont alors en mesure de diffuser les idées socialistes plus efficacement que ne le feraient des étrangers venus des villes. L’organisation, dont fait partie Olga Lioubatovich et Lydia, la sœur de Vera Figner, établit des contacts avec des travailleurs dans plusieurs villes, mais en l’espace de six mois, tous les membres tombent entre les mains de la police.
Ainsi, bien que loin d’être vaincu, le mouvement populiste subit, à la fin de l’année 1875, de graves revers. Une grande partie des révolutionnaires du début des années soixante-dix sont emprisonnés ou surveillés par la police. Néanmoins, reste des individus pour arpenter librement les campagnes (comme Praskovia Ivanovskaïa pendant l’été 1876), et divers groupes et organisations qui développent de nouvelles stratégies pour approcher la paysannerie, fomenter des révoltes et répandre la subversion social-révolutionnaire.
Zemlia i Volia (« Terre et Liberté »), qui devient la plus importante de ces organisations, prend forme en 1876. Selon l’analyse partagé par ses membres, la première vague « vers le peuple » de 1874 a été trop aléatoire et imprudente et sa propagande trop abstraite. Bien que Terre et Liberté n’ait pas établi une hiérarchie élaborée, il s’agit bien d’une organisation clandestine, avec un groupe de coordination à Pétersbourg qui adhère strictement aux pratiques conspiratrices – appartements et adresses connus seulement de certaines personnes, faux papiers d’identité, précautions dans l’utilisation des communications écrites. Le programme de l’organisation est basé sur ce qui est perçu des désirs et des demandes existants du peuple : l’expropriation de toutes les terres et leur redistribution parmi la paysannerie ; l’éclatement de l’Empire russe conformément aux aspirations populaires à l’autonomie locale ; et l’autogouvernement par le biais de fédérations de communes paysannes. Bien entendu, ces revendications ne peuvent être réalisées que par une révolution violente. Mais Terre et Liberté adopte une approche prudente et à long terme pour diffuser ces idées. Àu lieu d’une « propagande volante », des bases plus durables – les « colonies »  – sont établies dans les campagnes ; les révolutionnaires prennent des emplois dans ces lieux en tant qu’auxiliaires médicaux, infirmières, institutrices ou employés de bureau dans l’espoir de gagner progressivement la confiance de la population locale. Cette forme d’activité est devenue la forme dominante de la deuxième phase du mouvement « vers le peuple » au cours des années 1877-78 – non seulement pour les membres de Terre et Liberté, mais aussi pour des personnes comme Vera Figner et Elisabeth Kovalskaïa, qui ont choisi de ne pas adhérer à la nouvelle société secrète.
Entre-temps, deux procès de masse contribuent à créer une large sympathie du public pour la cause révolutionnaire. Le procès des Cinquante, qui se tient à Moscou en mars 1877, concerne la plupart des membres de l’Organisation social-révolutionnaire panrusse. Le gouvernement s’attend avec confiance à discréditer les révolutionnaires en les faisant passer pour une bande de criminels cyniques et dangereux. Àu lieu de cela, les spectateurs et les journalistes retiennent l’image de jeunes gens idéalistes qui, au nom de la justice sociale, ont renoncé à leurs positions privilégiées et partagé la vie misérable des ouvriers d’usine. Les femmes accusées, en particulier, font forte impression : les spectateurs de la salle d’audience s’exclament à plusieurs reprises : « Ce sont des saintes ! ». L’une des accusées, Sofia Bardina,conclu sa déclaration à la cour par un défi retentissant : « Persécutez-nous, tant que vous avez pour vous la force matérielle, Messieurs ; mais nous avons pour nous la force mentale, la force du progrès historique, la force des idées, et les idées ne se détruisent pas à la baïonnette !… »
Le procès des Cent quatre-vingt-treize, qui s’ouvre en octobre de cette même année 1877, voit sur le banc des accusés un grand nombre de révolutionnaires qui sont allés « vers le peuple » en 1874. Pour avoir répandu le socialisme dans la paysannerie, ils ont subi jusqu’à quatre ans d’emprisonnement préventif dans les conditions les plus dures ; des dizaines d’entre elles ont été emportées par la maladie, la mort (parfois par suicide) ou la folie. Lors du procès, de nombreuses accusées expriment leur mépris pour le tribunal en refusant de présenter une défense, et lorsqu’un homme tente de décrire les conditions de détention et de faire une déclaration politique, il est réduit au silence à plusieurs reprises par les juges et finalement traîné hors de la salle d’audience. Le gouvernement ne parvient pas à prouver l’existence d’une conspiration (de nombreux accusés ne ses sont jamais vus) ; il arrive seulement à discréditer ses propres méthodes. Les accusés, quant à eux, profitent de ce procès de plusieurs mois pour se faire des connaissances et renforcer leurs solidarités. À la fin du procès, la majorité d’entre eux sont acquittés ou libérés en contrepartie de leur emprisonnement préventif.
La prison les ayant endurcis et renforcés dans leurs convictions, ils reprennent leur activité politique (beaucoup rejoignent rapidement Terre et Liberté) avec la détermination d’éviter les erreurs naïves qui avaient fait d’eux des cibles faciles pour la répression gouvernementale des années auparavant. Le procès s’achève le 23 janvier 1878. Vingt-quatre heures plus tard, le mouvement populiste entre dans sa phase « terroriste ». Le terrorisme populiste consiste principalement en des assassinats de fonctionnaires d’État. Comme le soulignèrent ses partisans, il s’agit d’une forme très sélective de violence révolutionnaire, visant à « désorganiser » les structures de l’État. La « lutte terroriste », c’est tout simplement le populisme dans sa phase armée. C’est dans cette phase du mouvement révolutionnaire que les cinq femmes présentées dans ce livre ont joué leur rôle historique.
Le 24 janvier au matin, Vera Zassoulitch entre dans le bureau du général Trepov à Pétersbourg et, en présence d’une salle remplie de témoins, lui tire dessus pour se venger des mauvais traitements qu’il a infligés à un prisonnier politique. Six jours plus tard, une fusillade a lieu lorsque la police tente de perquisitionner une presse clandestine à Odessa ; le 23 février, une tentative d’assassinat d’un procureur adjoint à Kiev échoue ; le 25 mai, un fonctionnaire de police de Kiev est assassiné. Puis, le 4 août 1878, Sergei Kravchinskii, l’un des principaux membres de Terre et Liberté, assassine Mezentsov, le chef de la police politique en pleine rue à Pétersbourg et s’enfuit sans encombre. L’assassinat est revendiqué dix jours plus tard par le biais d’un manifeste intitulé « Mort pour mort » envoyé à un quotidien de Pétersbourg. Confronté à cette hausse de subversion armée, le gouvernement institue des tribunaux militaires spéciaux et exécute les protagonistes lorsqu’il les attrape. Mais la campagne se poursuit : résistance armée contre la police à Pétersbourg en octobre et à Kharkov en novembre ; assassinat du gouverneur de Kharkov en février 1879 ; tentative d’assassinat du chef de la police à Pétersbourg en mars 1879.
Jusqu’à l’automne 1878, Terre et Liberté, qui est devenue l’organisation révolutionnaire la plus importante et la plus forte, considère ce type d’activité comme strictement subordonné à la tâche d’organiser une révolution au sein de la paysannerie. C’est un moyen de venger les camarades tombés au combat, d’effrayer les fonctionnaires et de les dissuader d’exercer de nouvelles représailles contre les révolutionnaires, et, par l’exemple, de stimuler la résistance populaire au régime. Mais à la fin de l’année 1878, le harcèlement et la répression du gouvernement, tels que décrits par Vera Figner, rendent pratiquement impossible la propagande ou la simple vie parmi la paysannerie – presque toutes les colonies de Terre et Liberté doivent être abandonnées – et une faction croissante au sein du mouvement révolutionnaire soutient qu’il ne sera en fait jamais possible d’organiser la paysannerie en l’absence de libertés politiques de base telles que la liberté d’expression, de la presse et de réunion. L’accent doit se déplacer de la révolution sociale – c’est-à-dire une révolution ayant pour objectif immédiat d’obtenir des terres pour la paysannerie et de faire éclore l’autonomie des communes libres – vers une révolution politique contraignant le régime à faire des concessions au moyen d’attaques systématiques contre les hauts fonctionnaires. Même les plus ardents défenseurs de l’organisation traditionnelle de la paysannerie doivent admettre que leur approche se trouve dans une impasse. Mais certaines s’opposent fermement à la nouvelle ligne « politique » au motif que les attaques contre les fonctionnaires augmenteraient la répression et rendraient l’organisation plus difficile (un argument peu convaincant dans ces circonstances, comme le souligne Olga Lioubatovich) ; et que si un régime constitutionnel consacré à la protection des droits politiques était mis en place, il ne profiterait qu’à la bourgeoisie et n’améliorerait en rien le sort de la paysannerie.
Le conflit atteint son paroxysme en mars 1879, lorsqu’Alexandre Soloviev présente à Terre et Liberté un projet d’assassinat du tsar. Les partisans de la révolution politique approuvent, les partisans de l’organisation de la paysannerie s’y opposent farouchement. Ils trouvent un compromis, masquant le fossé qui se creuse: chaque membre individuellement peut choisir d’aider Soloviev, mais l’organisation dans son ensemble n’apportera aucun soutien. En fin de compte, Soloviev tente sa chance seul le 2 avril et échoue. Àprès quoi les « politiques » n’abandonnent pas l’idée du régicide. Àu cours des semaines suivantes, ils organisent leur propre groupe secret au sein de Terre et Liberté – nommé Liberté ou Mort – et commencent à mettre en place des ateliers de fabrication de dynamite.
Aucune des deux factions de Terre et Liberté ne se réjouissent de la perspective d’une scission formelle, qui signifierait la rupture de liens anciens et solides avec des camarades et, très probablement, l’affaiblissement du mouvement révolutionnaire. Mais il est urgent de résoudre le conflit, d’une manière ou d’une autre, et une conférence est donc organisée fin juin dans la ville de Voronej. Ànticipant une rupture ouverte, les partisans de la lutte politique tiennent une réunion préliminaire secrète à Lipetsk quelques jours avant l’assemblée de Voronej. Ils y exposent un programme réclamant des libertés civiles et une assemblée nationale élue au suffrage universel, approuvent à l’unanimité le principe du régicide et élaborent les statuts d’une organisation strictement centralisée. La scission attendue ne se concrétise pas à Voronej. Un autre compromis est trouvé, conservant l’ancien programme de Terre et Liberté mais approuvant la poursuite de la campagne d’assassinats et le principe du régicide. Cependant, le régicide ne peut rester une question abstraite, ni une question susceptible de faire l’objet d’un compromis.
En août, après deux mois de négociations infructueuses au sein de l’organisation (décrites par Lioubatovitch), les deux factions acceptent de se séparer. Ce schisme au sein de Terre et Liberté au cours de l’été 1879 est probablement l’événement le plus important dans l’histoire du mouvement populiste révolutionnaire. Deux organisations indépendantes émergent alors : les partisans du régicide et de la lutte politique créent la Narodnaïa Volia, La Volonté du Peuple, et leurs opposants qui se rassemblent autour de Tscherni Peredel, le Partage Noir.
Partage Noir, le plus petit des deux, maintient l’accent sur la révolution agraire, suivant la ligne traditionnelle de Terre et Liberté, mais l’organisation meurt quasi immédiatement : les conditions politiques permettent difficilement une activité d’organisation semi-ouverte parmi la paysannerie. Àssez rapidement, les éléments les plus combatifs quittent le Partage Noir et rejoignent La Volonté du Peuple, sans pour autant renoncer à la perspective d’une révolution sociale. Ceux et celles qui restent finissent par créer en 1883 le premier groupe marxiste russe, l’Emancipation du Travail.
Vera Zassoulitch fait partie de ceux-là, même si elle critique durement la croyance de Marx selon laquelle le socialisme doit forcément être précédé par une industrialisation (capitaliste), mettant l’accent sur l’autonomie communautaire déjà existante parmi la paysannerie russe (qui constituait l’écrasante majorité du peuple). Compte tenu de son attaque contre Trepov, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle rejoigne La Volonté du Peuple, principale organisation à mettre en place la lutte armée. Mais Zassoulitch ne partage pas son programme politique et reste farouchement attachée à la perspective de révolution sociale. Par conséquent, elle considère le recours incontournable à l’action armée dans cette optique-là, plutôt que de la considérer comme un levier pour forcer un changement de régime politique. Lors de la scission, elle adhére donc au Tscherni Peredel. Opposée à la « lutte politique », le programme de Tscherni préconise plutôt la « terreur économique » : des attaques dirigées non pas contre le gouvernement central, mais contre les ennemis du peuple au niveau local – propriétaires d’usines, propriétaires terriens, fonctionnaires de police ou administrateurs. Les années auparavant, la « terreur économique » constitue le fil conducteur de l’action des révolutionnaires dans le sud de la Russie, dans les milieux des buntari (« rebelles », « émeutiers ») d’inspiration bakouniniste.
C’est cette ligne d’action qui attire Elisabeth Kovalskaïa au sein de l’organisation. Mais Partage Noir se révèle incapable et même peu désireuse de la mettre en œuvre. Un membre de son organe central rejette catégoriquement la proposition de Kovalskaïa de reprendre (ou plutôt, de continuer et d’intensifier) la terreur économique dans le sud de la Russie. Elle quitte alors l’organisation et, avec un camarade, forme une nouvelle organisation, l’Union des ouvriers de la Russie méridionale. Peut-être plus que tout autre révolutionnaire de l’époque, Kovalskaïa réussit à lier une certaine conception de la lutte armée et l’organisation de masse – en l’espace de six mois, elle organise environ sept cents travailleurs au sein de l’Union.
La faction « politique » de Terre et Liberté, rejointe par des vétérans d’autres groupes, forme donc la Volonté du Peuple. La création de ce parti entraîne une transformation majeure du mouvement populiste, en raison de l’abandon explicite de l’organisation paysanne en faveur de la révolution politique. De plus, avec sa discipline et sa centralisation stricte, La Volonté du Peuple devient le premier parti de « révolutionnaires professionnels » de l’histoire de la Russie. Cette transformation a mis du temps à se consolider – plus d’un an, selon Vera Figner. Olga Liubatovich, membre du comité exécutif depuis sa création, ne peut se résoudre à embrasser l’évolution qu’elle voit se produire au cours de cette période. Pour elle, La Volonté du Peuple s’oriente de plus en plus vers le jacobinisme, c’est-à-dire vers une révolution menée par un petit groupe éclairé qui décréte les transformations sociales d’en haut, plutôt que de se fonder sur les forces populaires. En outre, elle estime que le parti cautionne un retour au « netchaïevisme », c’est-à-dire que les décisions principales sont prises au sein d’un petit comité sans véritable possibilité de remise en question. Àu début de l’année 1880, elle finit par quitter le parti.
Praskovia Ivanovskaïa et Vera Figner, quant à elles, restent dans l’organisation. Ivanovskaïa est compositrice dans l’imprimerie du parti et ses mémoires constituent un témoignage inestimable sur les routines quotidiennes et les relations personnelles dans la vie clandestine. Figner est l’une des dirigeantes de La Volonté du Peuple et prend une part active à plusieurs tentatives d’assassinat du tsar, qu’elle décrit dans les extraits de son autobiographie repris dans ce livre.
L’histoire de La Volonté du Peuple est indissociable de la campagne visant à abattre le tsar Alexandre II. Commencée à l’automne 1879, cette campagne a duré beaucoup plus longtemps et a eu des conséquences beaucoup plus lourdes que le parti ne l’avait prévu : elle a donné lieu à sept tentatives distinctes en l’espace d’un an et demi, a drainé toutes les énergies du parti au détriment de l’activité d’organisation. Elle a ainsi exclu toute possibilité de construire un mouvement de masse capable de maximiser l’impact politique et sociale de l’assassinat du tsar. Le succès vient enfin avec un attentat à la bombe le 1er mars 1881. Mais il est suivi presque immédiatement par une vague d’arrestations qui met le parti sur la défensive et l’empêche de remporter son plus grand triomphe à une époque où de larges pans de la société libérale lui sont favorables et même désireux de l’aider. Àu milieu de l’année 1882, Vera Figner est le seul membre de la direction initiale du parti encore en liberté en Russie. Sa capture en février 1883 met fin à la vie effective de La Volonté du Peuple.

III

Au début de cet essai, nous avons évoqué certaines des conditions historiques particulières qui ont permis aux femmes de jouer un rôle aussi extraordinaire dans le mouvement révolutionnaire russe des années soixante-dix : avant tout, le fait que la libération des femmes soit une préoccupation majeure du radicalisme russe depuis un certain nombre d’années, que les femmes aient pu développer leurs idées, construire une sororité et agir en autonomie avant de rejoindre un mouvement révolutionnaire mixte, et que le mouvement populiste, à son tour, ait été sensibilisé à l’importance des relations réciproques et libertaires entre camarades. Ces conditions ne suffisent cependant pas à expliquer la vénération que les femmes des années soixante-dix inspiraient à la fois à leurs camarades masculins et à la société russe éduquée dans son ensemble. Les noms que les contemporains leur ont donnés – « saintes », « amazones moscovites », « Valkyries russes » – sont tous quelque peu inadéquats : premières femmes révolutionnaires de l’histoire russe, elles ont créé leur propre mythologie. Elles possédaient une vision éthique passionnée et lucide que ni l’exil, ni l’emprisonnement, ni la mort imminente n’ont pu détruire.
Sofia Perovskaïa, la première femme de l’histoire russe à être exécutée pour une action révolutionnaire, l’a dit simplement. « Je ne regrette pas mon destin, » écrit-elle à sa mère à la veille de son exécution. « Je l’affronterai calmement, car j’ai longtemps vécu en sachant qu’il arriverait, tôt ou tard. Et vraiment, chère maman, mon destin n’est pas si sombre que cela. J’ai vécu selon mes convictions, je n’aurais pas pu agir autrement, et j’attends donc l’avenir avec une conscience sereine. »

Introduction traduite et retravaillé de

Five Sisters : women against the tsar. The memoirs of five young anarchist women of the 1870’s, Barbara Alpern Engl & Clifford N. Rosenthal,

editions Knopf, 1975 (New York).

Pas de capitulation spirituelle (Klee Benally)

Anarchie autochtone en défense du sacré.

Il y a une raison qui a fait que les colonisateurs devinrent si furieusement effrayés par les chants et la Dance du Fantôme des peuples autochtones. Que leur médecine fut une telle menace. Bien que les champs aient été brûlés et les bisons massacrés, les envahisseurs savaient qu’ils ne pourraient jamais se battre contre la force de la nature. Que les peuples autochtones ne seraient pas complètement vaincus à moins que nos esprits soient coupés du sol sacré. Ainsi, les profanations ont précédé les massacres. Les esprits inébranlables de la terre et de nos ancêtres sont toujours vivants, ainsi que notre spiritualité, et des sites sacrés sont toujours attaqués à ce jour par des nouvelles mines, centrales photovoltaïques, oléoducs, lignes à haute tension, usines. Le génocide culturel et physique, la profanation de la Terre continuent sous le signe fatal d’une transition énergétique entamée par une civilisation au bord du précipice.
C’est seulement à Nahasdzáán, Notre Mère la Terre, que nous devons rendre des comptes et pour laquelle nous prenons nos responsabilités. Notre affinité est avec les montagnes, le vent, les fleuves, les arbres et autres êtres, nous ne serons jamais les patriotes d’un quelconque ordre social politique. En tant que force ingouvernable de la Nature, nous défendons, protégeons et prenons l’initiative de frapper.

446 p. // 14 euros //  été  2024

Sommaire

TʼAALAʼI – ENRAGER EN BEAUTE
Enrager en beauté
L’illettrisme du colonialisme de peuplement

NAAKI – DEFENDRE LE SACRE
Défendre le sacré
Dook’o’oosłííd et les politiques de génocide culturel
Sous Standing Rock
Une existence profanée
La politique du pain frit

TAA’ – ATTENDEZ-VOUS A LA RESISTANCE
Action directe autochtone
Une solidarité décoloniale
Táala Hoghan
Pas d’allégeance
Voter n’est pas choisir le moindre mal
Déraciner le colonialisme

DÍÍʼ – ANARCHIE AUTOCHTONE
Covid-19, colonialisme de ressources et résistance autochtone
Inconnaissable : contre une théorie anarchiste autochtone
L’autonomie sacrée
Vers le néant colonial : la destruction du colon est une cérémonie

 

Extrait de l’introduction

Yáát’ééh shik’éi dóó shidine’é, Shi éi Klee Benally yinishyé, Todichiini bashishchiin, Nakai Diné’ dashinalí, shí ma éí bilagaana ado bilagaana dashicheii. Ákót’éego diné nishłį́. Dził Yijiin déé’naashá ndi Kinłani kééhasht’į́.
Ce livre est le fruit d’une tension entre l’expérience vécue et les enseignements culturels. L’écrire a été un tourment et une joie fanatique. Ce processus a été un conflit entre les défis et les bénédictions de mon éducation par le biais de la cérémonie, et les antagonismes pernicieux de l’enseignement académique et des politiques gauchistes qui m’ont conduit à ce que j’ai adopté, avec des réserves, comme antipolitique anticoloniale.
En écrivant et repensant mon travail précédent et mon évolution (ou désintégration), je me suis rendu compte combien – très probablement grâce à une leçon transmise par certains de mes aînés – j’avais résisté à l’attraction vers un point fixe. Vous me trouverez intentionnellement belliqueux et évasif ici et là. Je ne m’excuse ni pour l’un ni pour l’autre. Ce que j’ai appris de la vie, je l’ai appris par la cérémonie. Ce que j’ai appris de la politique, je l’ai appris de beaucoup de violences politiques et en m’organisant pour intervenir par des moyens aussi bien réactifs que proactifs. J’ai tendance à dériver loin des textes de Terre brûlée du terrain universitaire. Si mes conclusions de cette expérience vous frustrent (ce dont j’avais anticipé que ce serait le cas pour beaucoup), je suggère que vous accumuliez tout ce que vous pourrez recueillir en consultant vos aînés, en participant à des cérémonies, et en examinant d’un œil critique les échecs de l’activisme progressiste, ce qui serait tout aussi utile – si ce n’est plus. Certains s’empresseront de qualifier ce livre d’ « ethnocentrique » mais ce n’est que de la paresse. Vous ne trouverez ici aucune proposition ou hypothèse de supériorité ethnique. Je suis métis, élevé par Tádídíín K’eh Atiin et j’ai beaucoup d’expériences pratiques dans les luttes en première ligne sur des terres sacrées, en nommant ce qui est merdique dans ce monde de mon point de vue amer (je suis né pour le clan Tódích’íí’nii, l’Eau Amère, après tout).
Ce livre est devenu un peu plus autobiographique que je ne le voulais au départ, ce qui est étrange car j’ai généralement un léger dédain pour ce genre d’histoires. En écrivant ceci, je n’arrêtais pas de réfléchir à certaines expériences qu’il me semblait judicieux de faire connaitre, qu’elles soient bonnes, mauvaises ou entre les deux. En relisant des textes qui m’avaient inspiré à un moment de ma vie, en parcourant des vieilles brochures, et les nouvelles polémiques en ligne ou pas, et en analysant mon évolution en tant qu’antagoniste et écrivain, il m’est difficile de ne pas remarquer à quel point les contradictions de ces textes ressortent encore plus. J’essaie d’aller à ce qui compte, d’accepter les imperfections – et probablement, je ne prends pas certaines choses aussi au sérieux que vous pourriez en les lisant.
Vous trouverez des répétitions et des incohérences dans le texte, surtout dans les passages écrits au cours de différentes périodes de ma vie, et de l’évolution qui s’en est suivie. J’ai amélioré certains passages déjà écrits, laissé d’autres intacts et ajouté quelques notes. Il y a aussi des passages où je passe du je au nous – pour la plupart à cause du contexte, mais je n’ai jamais beaucoup aimé le « je ». « Nous » m’a toujours semblé plus approprié pour inviter, et certains passages ont été écrits collectivement. Je vous invite aussi à lire cet ouvrage de façon non linéaire (dans l’ordre et dans le désordre).
Je parle du sacré, mais je suis mesuré dans ce que je partage, ainsi vous ne trouverez pas d’ « exploration du savoir spirituel Diné ». J’ai été élevé avec le sentiment que ce savoir sacré ne devrait pas être livré à des pages, des mots, des enregistrements, et ne devrait pas être traduit. Cela peut sembler contradictoire dans un livre sur la défense du sacré, et c’est le cas. Le désir de « faire partie du sacré » est un désir foireux du New Age anthropologique colonial. Les autopsies fétichistes de la profanation du sacré autochtone remplissent des étagères, des musées, des salles de vente aux enchères, des magasins de souvenirs – et des comptes en banque. Si vous comptez trouver ici une telle validation, je suis heureux de vous décevoir. Si vous avez lu ce livre et trouvé des moyens d’améliorer votre activisme, vous l’avez mal lu. Quand je parle de libération, ce n’est pas pour fomenter un énième projet de justice sociale, c’est une agitation inclusive et fervente contre la domination et l’exploitation de l’existant, car la libération de notre Mère la Terre, c’est la libération de tout ce qui existe.
Plus que toute autre chose, ce livre est pour toi, cher voyageur, à contre-courant du temps des colons, qui écoute les murmures des voix ancestrales et qui est déchiré dans l’espace entre le cauchemar et le rêve qui constitue cette existence maltraitée. En désirant quelque chose de plus, ou peut-être par inquiétude, curiosité, ennui ou quelque soit l’impulsion qui vous a mené à lire ces mots, nous y voilà.
Si vous êtes venu chercher des réponses, vous pourriez trouver un peu de taquinerie mêlée d’angoisse. J’ai écrit surtout dans cet espace profane et étroit entre l’invocation et la provocation, cet espace qui désoriente et où le processus de guérison vit aussi. Il s’agit d’une histoire dans et hors du temps, le long d’un chemin sur lequel je suis aussi un voyageur.
Asseyez-vous un moment, prenez du thé. Il faut que je m’occupe de tout un fatras – de mots maintenant cristallisés qui ont été un jour autant d’éclats de verre.

Klee Benally

Opération Ogro : Comment et pourquoi nous avons exécuté le premier ministre Carrero Blanco

Le 20 décembre 1973, à 9h36, en plein cœur de Madrid, l’explosion de trois charges explosives dans un tunnel creusé sous la rue fait sauter en l’air l’amiral Carrero Blanco, premier ministre de la dictature franquiste et garant de sa continuité. L’action est revendiquée par le commando « Txikia » d’Euskadi ta Askatasuna (ETA).

Dans cet entretien, ces révolutionnaires indépendantistes livrent un récit minutieux de leur « opération Ogro », du premier répérage sur le terrain pour une séquestration jusqu’à la décision finale d’exécuter le successeur du dictateur Franco. Que ce soit en discutant des motivations derrière l’attentat, du contexte social dans lequel il eut lieu, ainsi que des détails de l’action même et des péripéties de la lutte clandestine en général, les propos du commando « Txikia », 50 ans après les faits, continuent à mettre en relief le défi audacieux de l’action minoritaire.

280 pages // 12 euros

Cet interview du commando « Txikia », réalisé par Eva Forest, est précédé d’une longue introduction qui retrace l’histoire d’ETA et du mouvement indépendantiste basque. Elle revient aussi sur le contexte historique de la fin du régime franquiste et le conflit social en Euskal Herria lors de la transition démocratique.

Entre océans, forêts et volcans. La lutte radicale mapuche

Printemps 2022 // 56 p. reliées
Prix libre // éditions La Souterraine

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Sommaire
* En guise d’introduction
* Entre océans, forêts et volcans. (Un aperçu de la lutte radicale
mapuche)
* C’est dans le feu du weichan que nous te commémorons, weichafé Toño ! (Coordinadora Arauco-Malleco (CAM))
* Communiqué commun après la mort de Pablo Marchant (Weichan Auku  Mapu (WAM) & Resistencia Mapuche Lafkenche (RML))
* Sur la participation à la convention constituante (Comunidades mapuche en resistencia de Malleco)
* Sabotage contre l’industrie gravière (Groupe autonome révolutionnaire du Maule)
* L’État chilien déclare l’état de siège (Octobre 2021)
* Communiqué de Liberacion Nacional Mapuche (Novembre 2021)
* Communiqué de Weichan Auku Mapu (Novembre 2021)
* Attaque incendiaire contre un camion forestier à Penco (Décembre 2021)
* Communiqué de la Resistencia Mapuche Lafkenche (Décembre 2021)
* Communiqué de la Coordinadora Arauco-Malleco (Décembre 2021)
* Chronologie d’actions et de sabotages (2021-2022)

En guise d’introduction

Dans les territoires habités par les communautés mapuche, dont les terres furent accaparées par des investisseurs capitalistes, défigurées par les exploitants forestiers, ravagées par les entreprises énergétiques, polluées par les industriels et colonisées par des suppôts de l’État chilien ; les dernières décennies ont été marquées par une lutte incessante. S’il existe une riche hétérogénéité et diversité parmi les organisations de lutte mapuche et les communautés mapuche en résistance, la lutte dans le Wallmapu se déroule principalement autour de deux axes. D’un côté l’occupation de terres investies par des entreprises capitalistes ou par l’État, afin de les arracher à leur contrôle et de les restituer aux communautés mapuche ; et de l’autre, une pratique constante et diffuse de sabotage, d’action directe et de lutte armée, visant tout ce qui matérialise la domination étatique et capitaliste sur les territoires du Wallmapu qui s’étendent des côtes du Pacifique (au Chili) à celles de l’Atlantique (en Argentine).

Si cette publication n’a ni la prétention, ni l’ambition d’expliquer en détail la cosmovision mapuche, leurs coutumes ancestrales, leur spiritualité, les rapports au sein de leurs communautés, elle vise plus modestement à donner un aperçu de l’ampleur de la lutte qui s’y déroule, principalement à travers les communiqués et des déclarations faites par les organisations de lutte ou les communautés mapuche en résistance. Une chronologie qui ne prétend pas non plus à l’exhaustivité accompagne cet recueil de textes – que nous publions non pas parce que nous y adhérons sans critique, mais parce qu’ils permettent de se faire une idée du panorama et des différentes expressions de la lutte radicale mapuche.

Soulignons donc d’emblée deux grandes lacunes dans cette publication. En premier lieu l’absence d’un approfondissement plus analytique de ce qui là-bas est rassemblé dans le concept de « reconstruction nationale mapuche », à savoir, la reconstruction de leurs communautés, la récupération de leurs savoirs et coutumes ancestraux, la tentative de recentrer leurs rapports sur les valeurs, l’éthique et la spiritualité propres à leur cosmovision. Et en deuxième lieu, le fait que ces textes, comme la chronologie des actions et sabotages, ne permettent peut-être pas de saisir les nombreuses expressions de la conflictualité qui agite le Wallmapu. Ainsi, les actions de blocage, manifestations, affrontements avec la police, les combats lors des expulsions, mais aussi les pratiques plus durables visant par exemple l’autonomie alimentaire par une approche non-productiviste et non-capitaliste de l’agriculture, ou l’abandon du consumérisme de masse en faveur de petites productions artisanales, ou encore les activités culturelles approfondissant la cosmovision mapuche et les rapports sociaux qui en découlent,… constituent une vaste et importante trame de cette lutte virulente, et ne sont possiblement pas assez mis en relief dans ce recueil qui ne couvre qu’un an de lutte (de 2021 à 2022) et qui se focalise surtout sur la lutte d’un seul côté des Andes, celui sous domination de l’État chilien.

A l’heure où ces lignes sont écrites, le Wallmapu se trouve toujours sous état d’urgence. En plus d’importantes forces policières, des troupes militaires sont également déployées afin de mater, ou au moins de freiner, la lutte radicale mapuche en pleine expansion ces dernières années, notamment depuis la vaste révolte sociale qui a secoué le Chili à partir d’octobre 2019. Elle va maintenant devoir faire face à un nouveau président, de gauche cette fois-ci, investi en mars 2022, et dont la mission ne pourra qu’être de désamorcer ces processus insurrectionnels avec une politique de pacification et d’intégration. Ce nouveau président est épaulé par une convention constitutionnelle, instaurée après la révolte de 2019 – 2020 pour réécrire la constitution, laquelle semble indispensable pour essayer de reconstruire un consensus social autour de l’État chilien, secoué par cette formidable révolte dans ses centres urbains et par la lutte acharnée dans les territoires mapuche.

La lutte radicale mapuche nous inspire pour sa continuité, pour son rejet catégorique de toute tutelle étatique, pour son combat acharné contre l’exploitation et la spoliation capitaliste, pour son choix de l’action directe contre l’extractivisme et la dévastation de la terre et du vivant. A l’heure où dans le monde entier, les conséquences de l’avancée folle de la machine industrielle et technologique se ressentent chaque jour un peu plus, où les changements climatiques provoqués par l’industrialisation pourraient bien inaugurer des scénarios inouïs, risquant de reconfigurer drastiquement les assises de la domination, cette lutte dans un coin « perdu » du monde où des habitants et habitantes porteurs de façons de vivre antagonistes avec le capitalisme et l’étatisme se battent pour conserver ou retrouver chaque mètre accaparé et exploité par des entreprises et l’État, pourrait avoir une signification qui dépasse le territoire du Wallmapu. C’est un conflit où la critique anti-industrielle et le refus du développement capitaliste réussit à faire vivre un monde différent, un monde de communautés autonomes qui tentent de vivre dans et avec la nature, et non sur son dos. Certes, ces communautés ne sont pas exemptes de structures hiérarchiques, ni de créer des oppressions en leur sein, et leurs organisations de lutte sont traversées elles aussi par des hiérarchies, des divisions basées sur le genre, des tendances à l’hégémonie ou une méfiance envers d’autres expressions plus libertaires de lutte radicale contre l’État et l’industrialisme. Mais elles n’ont en tout cas pas le culte de la domination étatique, de l’exploitation de la faune et de la flore, d’une folle course en avant vers un monde toujours plus artificiel et vers une vie toujours plus assistée.

En ces temps de militarisation du Wallmapu sous état d’urgence et marqué par l’acharnement irréductible de la part de celles et ceux qui y affrontent les forces de la domination étatique et capitaliste, le tissage de liens de solidarité entre ici et là-bas, entre le combat auquel les weichafé, les combattants et combattantes mapuche, répondent présent et les modestes batailles ici que les anarchistes et d’autres rebelles cherchent à mener contre le cauchemar industriel et le monstre étatique, ne peut être vain. Une solidarité qui ne cherche pas à effacer les différences, qui n’exige de personne de mettre entre parenthèse sa particularité, son exigence, son éthique, mais qui cherche une complicité dans l’action, dans l’attaque directe et sans médiation contre ce qui dévaste la terre et étouffe la liberté.

Premier jour du printemps 2022

Tout feu, tout flamme. Entretiens avec des anciens des Cellules Révolutionnaires (RZ) Allemagne, 1973-1993

Tout feu, tout flamme
Entretiens sur la résistance armée avec des anciens des Cellules Révolutionnaires (RZ)
Allemagne, 1973-1993

En 1973, deux attentats à la bombe contre une multinationale des télécommunications en République Fédérale d’Allemagne marquent les débuts de ce qui allait devenir les Revolutionäre Zellen (RZ, « Cellules Révolutionnaires »). Inspirées par les mouvements de libération armés dans le dit tiers-monde et portées par l’agitation subversive qui secoue les métropoles occidentales, les RZ réalisent des dizaines d’attaques, ciblant plus particulièrement le complexe militaro-industriel. Au début des années 1980, elles définissent un angle plus social-révolutionnaire avec le foisonnement d’importantes luttes offensives contre la construction de centrales nucléaires et d’autres nuisances industrielles, de conflits contre l’OTAN et le militarisme, de combats contre le patriarcat et les nouvelles technologies, ou encore de révoltes d’une jeunesse enragée. Dotées d’une solide logistique souterraine décentralisée, les RZ revendiquent près de 200 attentats, principalement explosifs et incendiaires, jusqu’en 1993.

Dans ces entretiens, trois anciens des RZ donnent leur vision du parcours historique de cette organisation de résistance armée. Avec une disponibilité au débat encourageante, ils dressent des bilans critiques, s’interrogent sur l’action offensive, réfléchissent sur les difficultés qu’implique une structure organisationnelle décentralisée mais permanente, questionnent les rapports au sein des groupes d’action souterrains et reviennent sur les péripéties de vies ayant une dimension de combat clandestin.

« Notre objectif est et a toujours été la diffusion de la résistance armée, était et reste le soutien d’un réseau de groupes autonomes qui, en tant que tendance armée au sein du mouvement, sont capables d’agir par eux-mêmes dans leurs villes et régions, qui y poussent plus loin les contradictions. »
(RZ, 1981)

580 pages // 16 euros
Sommaire

Les raisins de la colère            (introduction)

Entretiens avec trois anciens des RZ  sur la résistance armée
Créer une, deux, trois…
Anti-impérialisme et révolution sociale
Créer du contre-pouvoir, s’organiser
Autonomisation ou avant-garde
Morale révolutionnaire. Le désastre d’Entebbe
Le choix des armes
Rupture et nouveau départ
Les femmes forment leurs bandes
Mobilisations offensives et sabotage
Les raisins de la colère
Révolution sociale contre la politique migratoire impérialiste
Antiracistes et antipatriarcales, mais comment ?
Contrecoups et  descentes de police
Répression et solidarité
Gerd Albertus est mort
Forces centrifuges
Trahison et solidarité
Groupes, structures et constellations
La lutte continue

Quelques textes de discussion des RZ
Lutte subversive dans le mouvement anti-nucléaire
8 ans des RZ, deux pas en avant dans la lutte pour l’esprit des gens et le nôtre
Le mouvement contre la Startbahn West
Beethoven contre McDonald’s
Gerd Albertus est mort
La fin de notre politique
Quand la nuit est la plus profonde… le jour est le plus proche

Chronologie  (1967-1995)                  

Synthèse du procès à Berlin contre des personnes accusées d’avoir appartenu aux RZ                    
Procès contre Sonja et Christian        

Le chant du cygne. Saborder la société industrielle et défier le sort qu’elle nous réserve.

Face au désastre climatique qui s’emballe, la société industrielle appuie sur l’accélérateur. Transition énergétique, innovations technologiques et renouveau industriel sont appelés à la rescousse des rouages qui se grippent et des moteurs qui crachotent.
Dans son sillage, le navire titanesque du progrès laisse un paysage affligeant de béton et d’acier, d’usines et de chaînes technologiques, de pollutions et de plastiques, de chimères agrochimiques et d’irradiations durables. A bord de ce navire, le confort des cabines peut être amélioré, la salle des machines réorganisée, les officiers au gouvernail remplacés, mais la liberté n’y est pas possible. Ce qui nous reste alors, c’est de l’envoyer au plus vite par le fond et oser le saut dans les eaux libres.

304 pages // format 190 x 125mm
été 2022
12 euros

Avant-propos

Dans une froide nuit d’avril de 1912, huit musiciens jouent pour la dernière fois sur le pont d’un paquebot transatlantique. L’orchestre, composé d’un quintette et d’un trio, avait été embauché pour le voyage inaugural du plus grand bateau de croisière jamais construit. Le Titanic fut baptisé « l’insubmersible » par une presse impressionnée par les techniques de pointe employées lors de sa construction. Cependant, le paquebot heurta un iceberg et coula. Deux-tiers des voyageurs et de l’équipage se noyèrent dans les eaux glaciales de l’Océan Atlantique.
Jusqu’au dernier moment, le célèbre orchestre continua à jouer. Entre valses joyeuses et morceaux intimes amenant l’auditoire à faire la paix avec le sort qui les attendait, les musiciens auraient contribué à prévenir la panique à bord. D’autres témoignages soulignèrent que leurs notes créèrent un faux sentiment de sécurité qui aurait poussé les gens à ne pas quitter le navire à temps. Quoi qu’il en soit, les huit musiciens, tous morts lors du naufrage, sont entrés dans la légende, exemples sanctifiés d’un héroïsme presque surréel.
Sous les averses si caractéristiques de l’Écosse, des centaines d’experts et de délégués de tous les États du monde se sont réunis début novembre 2021 à l’occasion du vingt-sixième sommet sur le changement climatique organisé par les Nations-Unis. Baptisé COP26, c’était loin d’être un voyage inaugural et de nombreux orchestres furent déjà embauchés pour accompagner les péripéties de l’industrialisme lors de son naufrage annoncé. Depuis 1992, début de ces conférences quasi annuelles, les valses et les symphonies, toujours grandioses, jouent les airs de transition écologique, croissance durable, développement vert, économie dématérialisée. Surtout pas de panique. Mais aujourd’hui, il semble que même les meilleurs musiciens ne sauraient plus masquer que le glas a sonné… Difficile de ne pas prendre les larmes et la voix brisée du président de la conférence, qui s’est excusé lors de la séance finale pour le résultat lamentable – aucun accord permettant aux adeptes de la politique de croire à une réduction sensible des émissions de gaz à effet de serre qui réchauffent le climat n’a été conclu – comme les signes d’une renonciation, d’une acceptation du destin devenu inexorable. Mêmes les plus optimistes quant aux possibilités de l’industrialisme à réaliser un changement de peau qui ne soit pas juste caméléonesque reconnaissent désormais qu’il sera impossible de garder le réchauffement climatique sous les 1,5 degrés. Depuis les débuts de l’industrialisme, le réchauffement a été d’au moins 1,5 degré. Les changements climatiques ont été importants et se vérifient maintenant presque année après année.
Le changement climatique n’est donc pas un iceberg que la société industrielle pourrait heurter. Ce n’est pas une possibilité plus ou moins probable. C’est un fait. L’activité industrielle, la dévastation des forêts, l’empoisonnement des fleuves, l’intoxication de l’air a déséquilibré la biosphère au point d’engendrer des bouleversements, des basculements et des transformations presqu’impossibles à prévoir, à modéliser. Les améliorations techniques ou les technologies plus vertes n’y peuvent plus rien : ce n’est que de la musique pour nous amener à faire la paix avec le naufrage final que connaîtra cette civilisation désastreuse, animée par le culte de la croissance matérielle, de la domination, de l’exploitation du vivant, de l’accaparement… en somme, du pouvoir. Tout ce qui va encore accroître ce pouvoir (de nouvelles ressources énergétiques pour combler les pénuries de combustibles fossiles aux technologies augmentant encore plus la domination du vivant au nom d’une gestion écologique) ne fait qu’ajouter une nouvelle symphonie à l’œuvre accumulée déjà extrêmement déconcertante. Une bonne partie des enjeux se situent aujourd’hui en effet sur la question énergétique. Les « besoins » énergétiques de la société tout-numérique ne vont qu’accroître. Si aucune « décroissance » n’est politiquement ou économiquement possible en préservant les paradigmes actuels (exploitation, pouvoir, conquête), les enjeux pour les capitaines de cette société se situent alors non pas tellement dans la réduction des émissions, mais dans une addition des ressources énergétiques pour faire face au binôme menaçant de l’épuisement des ressources et de l’emballement climatique. Dans ce sens, une éventuelle relance du nucléaire est donc parfaitement mariable avec l’exploitation du vent, des marées, des cours d’eau, du soleil, de la chaleur géothermique etc. Si le naufrage est bel et bien en cours, rien n’empêche aux capitaines d’ordonner à l’équipage de jeter encore une dernière pellée de charbon dans les fours, d’augmenter la pression sur les chaudières à vapeur, de faire tourner les pompes pour évacuer l’eau qui submerge les compartiments.
Car de toutes parts, l’eau est en train de rentrer dans « l’insubmersible paquebot » qu’est notre civilisation. Chaque fuite multiplie la pression avec laquelle l’eau fait sauter les rivets, les soudures, les boulons qui maintiennent le navire à flot. L’été dernier [2021], les fumées des feux de forêts aux dimensions dantesques qui ravageaient la Sibérie ont pour la première fois atteint le Pôle Nord, mettant le feu à la mèche qui fera détonner la « bombe de carbone » capturé dans les glaces en train de fondre. Les tempêtes tropicales qui ravageaient avec une violence toute nouvelle les territoires proches de l’équateur annonçaient les sécheresses bibliques qui frappèrent d’autres régions quelques mois plus tard. Ce sont les rétroactions climatiques : les phénomènes par lesquels « un effet sur le climat agit en retour sur ses causes d’une manière qui peut le stabiliser ou au contraire l’amplifier ». Dans le cas de rétroactions négatives (tout phénomène qui, par exemple, contribue au réchauffement climatique), leur accumulation ou enchaînement peut mener à un emballement où les déséquilibres sont tels qu’ils marquent des points de non-retour et entrainent des modifications profondes du climat.
Monter sur le pont pour scruter l’horizon afin d’avertir les passagers sur la proximité d’icebergs, c’est refuser de comprendre que les points de non-retours ont déjà lacéré la coque de la société industrielle. La question n’est certes pas si il y aura un grand changement climatique, ni même de quel ordre il sera, la question est de sa- voir si nous sommes enfin prêts à résister aux sirènes de la musique qui prévient la panique, mais aussi la révolte. La question, ce n’est pas de savoir combien de places il y a dans les bateaux de sauvetage, ni d’invoquer l’arrivée prochaine du Carpathia pour un sauvetage en attendant le prochain naufrage. A l’heure où le glas a sonné, que les horizons sont bouchés, et que le débat tourne autour des préférences pour tel ou tel prétendu sauvetage (énergies renouvelables, géo-ingénierie, artificialisation ultérieure de l’agriculture, projets aussi pharaoniques que totalitaires pour « restaurer le climat »,…), la liberté réside chez celles et ceux qui œuvrent à faire couler le navire avant qu’il intoxique tout l’océan avec son carburant, tout l’air avec ses fumées vicieuses, tout univers mental avec le bruit de ses machines et les notes de ses symphonies de distraction. Cette liberté ne peut pas être porteuse de lendemains qui chantent, des ciels bleus sans nuages, de programmes d’un bien-être garanti. Elle ne peut que devenir ce qu’elle est : sauvage et belle, courageuse et douce, capable d’envoyer le navire et ses capitaines au fond de l’abîme. Elle est sans regret et ne viendra à la rescousse d’aucun nostalgique du pouvoir, qu’il soit aspirant-chef ou citoyen confiant en l’État. Alors, rompre les rangs, c’est maintenant. Le chant du cygne a commencé.

Caracremada. Sur les sentiers de la guérilla en Espagne (1945-1963)

La vie de celles et ceux qui luttent pour l’anarchie est difficile à raconter. Vouées à l’action, leurs vies se déroulent aussi discrètement qu’elles sont vécues pleinement. La vie de Ramón Vila Capdevila, dit Caracremada, fait partie de ces parcours souterrains.

S’engageant d’abord dans les groupes d’action armée nées au sein de la guerre sociale dans l’Espagne des années 20, Ramón connut ensuite les joies et les amertumes d’une vaste révolution sociale. Exilé en France après la victoire des franquistes, il rejoignit le maquis contre l’occupant nazi. Puis il reprit la lutte clandestine contre le régime militaire en Espagne : incursions pour amener des armes et du matériel, sabotages de pylônes de haute tension, d’usines et de voies ferroviaires, soutien logistique aux groupes de guérilla urbaine, expropriations pour financer la lutte. Ce fut une vie dure et intense au rythme des saisons dans les forêts et les montagnes de la Catalogne. D’une endurance exceptionnelle et d’une force de caractère hors du commun, Ramón sut prolonger les hostilités pendant des décennies. Agissant souvent seul ou en petit groupe, Caracremada arpenta les montagnes jusqu’à son dernier souper.

Format 19x13cm – Couverture sérigraphiée
212 pages – 8 euro

Franchir le seuil (Alfredo M. Bonanno)

« Le problème de la qualité n’est pas une question philosophique, il relève de la vie et, partant de là et du fourmillement sauvage de tourments urticants qui l’accompagne, il trouve ensuite une systématisation et un apaisement dans la réflexion. Vivre est donc un problème qualitatif. Quel sens aurait la vie en dehors de cette perspective ? Elle ne serait qu’une mort à crédit, le cheminement vers une chose considérée comme future, bien que déjà arrivée sans presque provoquer la moindre sensation. Celui qui reste immergé dans la quotidienneté du quantitatif, surmontant les uns après les autres les divers problèmes qui le font paraître vivant, celui-là est un fantôme qui s’ignore. »

Comment se retrouver au milieu de la tempête ? Voilà la question cruciale. Quels que soient les efforts qui nous faisons, nous sommes toujours en approche, nous nous approchons. Le véritable saut est trop traumatique pour en parler. Nous sommes persuadés que la vérité dont nous sommes fermement convaincus jettera sa lumière sur le chemin. Les illusions tardent à mourir.

180 pages // 5 euros

Sommaire
Avant-propos
Franchissement et dépassement
Individualisme et communisme : une réalite et deux faux problèmes
Contribution à une lecture critique de l’Unique
Max Stirner : le philosophe de l’Unique
Une pensée sauvage

Vers le néant créateur (Renzo Novatore)

Aube et crépuscule d’un iconoclaste

« Vous attendez la Révolution ! Soit ! La mienne a commencé depuis longtemps ! Quand vous serez prêts — mon dieu quelle longue attente ! — je n’éprouverai pas de dégoût à parcourir un bout du chemin avec vous !
Mais quand vous arrêteriez, je continuerai ma marche folle et triomphale vers la grande et sublime conquête du Néant ! Toute Société que vous construirez aura ses marges et dans les marges de toute Société rôderont les vagabonds héroïques et bohèmes aux pensées vierges et sauvages qu’ils ne savent vivre qu’en préparant toujours de nouvelles et formidables explosions rebelles! »

Abele Ricieri Ferrari (1890-1922), anarchiste, déserteur, expropriateur, incendiaire, dynamiteur, était en même temps Renzo Novatore, rêveur, iconoclaste, poète. Il empoigna son arme pour faire la guerre à la Société et sa plume pour écrire des paroles de feu et de lumière. Esprit vagabond, solitaire de l’idéal, le regard rivé vers l’infini, Novatore rêva à yeux ouverts et agit à main armée. Fiévreusement, intensément, résolument.

Parce que les fils de l’aurore doivent naître du sang.
Parce que les monstres des ténèbres doivent être tués par l’aube…
Parce que les nouveaux idéaux individuels doivent naître des tragédies sociales…

278 pages – 10 euros

Sommaire

Aube et crépuscule d’un iconoclaste
Pas la guerre, mais la révolution
Promesse
Dans la forêt
Les vagabonds de l’Esprit
L’anarchisme comme suprême philosophie de la vie
Cri rebelle
Vers l’ouragan
A pleines voiles
Notre morale
L’Individualisme Anarchiste dans la Révolution Sociale
Mon Héros
L’Expropriateur
Mon individualisme iconoclaste
Une vie
La marche tragique
Moi aussi, je suis nihiliste
Exaltons
Démolir
Le tempérament anarchiste dans le tourbillon de l’histoire
Paradoxes
Le rêve de mon enfance
Dans le règne des fantômes
Vers le néant créateur
Dans le tourbillon des polémiques
Drapeaux noirs
Les chants du midi
À propos de l’individualisme et de la rébellion
En défense de l’anarchisme héroïque et expropriateur
Ballade crépusculaire
Au deuxième anniversaire de la mort de Renzo Novatore (Severino Di Giovanni)

2.11.0.0

Détruisons le travail (Alfredo M. Bonanno)

« Parler de destruction du travail semble simple. Mais il n’y a rien de plus difficile que de parler de destruction. Parce qu’en nous tous, au fond de notre conscience, il y a la peur de l’avenir. Parlons clairement : révolutionnaires ou pas, il y a toujours la peur de l’avenir. Car la peur de l’avenir, c’est la peur de la mort, car la mort viendra évidemment à notre rencontre depuis l’avenir. Ils sont frère et sœur. »

Nous ne sommes pas intéressés par les préoccupations politiques de ceux qui considèrent le chômage comme un danger pour l’ordre et la démocratie. Nous ne sommes pas non plus concernés par la nostalgie du manque de professionnalisme. Nous sommes encore moins enthousiasmés par les réformateurs du travail à la chaîne ou du travail intellectuel régi par la planification industrielle avancée. De même, nous ne sommes pas concernés par l’abolition du travail ou sa réduction à un minimum tolérable dans une vie ainsi imaginée pleine et heureuse. Derrière tout cela il y a toujours les griffes de ceux qui veulent organiser notre existence, penser pour nous ou nous suggérer poliment de penser comme eux.
Nous sommes pour la destruction du travail. Procédons dans l’ordre : notre position est totalement différente et c’est ce que nous tenterons d’expliquer.

Sommaire:
Avant-propos
Détruisons le travail
La destruction du travail (transcription de deux conférences à Athènes en 2009)
S’il vous plaît, restons les pieds sur terre
Post-face

90 pages // 3 euros

À main armée (Alfredo M. Bonanno)

« Au fond, le problème est toujours celui-ci : personne ne nous fait des cadeaux, il n’existe pas de conditions faciles pour s’approprier les connaissances indispensables à l’action. penser l’arme seulement dans la dimension technique de son emploi, c’est une façon comme une autre de fuir le problème de fond de la connaissance critique, la mesure et la condition active de toute attaque contre l’ennemi de classe.

À main armée, c’est donc un problème de réflexion, un mouvement de la conscience, un moment, même extrêmement concentré dans le temps, où celui qui prend l’arme cherche à comprendre pourquoi il a choisi cette prothèse d’une violence et d’une agressivité particulières. »

Avril 2020 // 180 pages // 4 euros

Sommaire

Avant-propos
Clément Duval et le problème du vol
La fracture morale
Malatesta et le concept de la violence révolutionnaire
Alexandre Marius Jacob
L’ombre du justicier
Makhno et la question de l’organisation
Mourir innocents est plus enrageant
La bête insaisissable

 

Un extrait de l’avant-propos:

La véritable arme de l’homme, c’est la main.
L’homme est un animal que la nature a sélectionné avec une main qui a le pouce opposé aux autres doigts.
Un animal qui attrape, qui veut prendre, avoir du solide en main, faire sien.
L’arme, dans sa signification essentielle, est donc la prothèse qui augmente la capacité active de la main. En grec, « prothèse » signifie l’acte de mettre en avant. Quand on y pense bien, depuis les flèches dont les pointes étaient faites de morceaux de silex appointés, utilisées par nos lointains prédécesseurs, jusqu’aux armes sophistiquées d’aujourd’hui qui frappent à distance et multiplient par milliers la cible unique d’antan, le fil du développement technologique est unitaire et ininterrompu.
Se servir d’une arme est facile. Aussi l’imbécile peut donc s’armer. Plus encore, dans la majorité des cas, derrière l’arme se trouve presque toujours un imbécile, ou au moins quelqu’un qui y est contraint le dos au mur.
La société produit une marginalisation constante, son mécanisme impitoyablement compétitif pousse vers l’extrême périphérie de la survie une énorme quantité de personnes.
Le manque de travail n’est qu’une partie du problème, souvent c’est un lieu commun et un alibi.
Celui qui n’a pas de travail, s’arrange de quelque façon, réduit ses prétentions, réduit à l’essentiel sa demande de biens, se construit une niche dans la société qui, dans ce cas-là, est même prête à venir à sa rescousse, à l’aider avec une quelconque allocation misérable, mais elle veut toujours d’abord s’assurer de sa disponibilité de rester dans les rangs.
Le travail peut aussi consister à prendre des armes. Pensez au militaire, au policier, au garde du corps, ce sont des métiers où l’usage des armes est institutionnalisé et où l’on prévoit même une prime de risque en plus du salaire de base.
Celui qui le matin endosse l’uniforme, n’importe quel uniforme, qui met son arme dans sa poche et prend sa mitraillette de service, ne s’encombre pas de la moindre réflexion, ce sont des mouvements conditionnés, son métier a fait taire tout réflexe moral que son geste pourrait encore avoir à la lumière d’une petite réflexion.
À main armée, c’est donc un problème de réflexion, un mouvement de la conscience, un moment, même extrêmement concentré dans le temps, où celui qui prend l’arme cherche à comprendre pourquoi il a choisi cette prothèse d’une violence et d’une agressivité particulières.
Revenant à la question des prothèses, il me semble évident que même dans le choix le plus argumenté, il peut encore rester un brin de stupidité. Il n’y a jamais de collocation nette dans ce genre de choses. Rien n’est blanc ou noir. La vie est nuance et modulation, y compris dans la stupidité.
J’ai connu des compagnons dont j’appréciais la disponibilité humaine et l’engagement révolutionnaire, qui manipulaient avec une voluptueuse précision et une évidente satisfaction une arme, qui en caressaient l’acier brunâtre et lisse, qui en admiraient la structure et la puissance, un genre d’imbécillité plus répandu de ce que l’on pourrait croire, y compris parmi les compagnons.
Donc, entre la main qui serre l’arme et l’arme qui est serrée par la main, par la main qui l’accueille et la maîtrise, il doit y avoir un contact, une sorte de frontière psychologique, toujours présente dans la conscience de l’individu qui empoigne une arme, qui a décidé d’empoigner une arme.

Alfredo M. Bonanno

 

Anarchisme et insurrection (Alfredo M. Bonanno)

« Tirer le premier, le plus vite, est une vertu du Far West qui peut être utile à certains moments, mais il faut savoir utiliser sa tête avant, et utiliser sa tête signifie avoir un projet. L’anarchiste ne peut pas se contenter d’être un rebelle, il est un rebelle muni d’un projet. Il Va Donc devoir unir le cœur et le courage à la connaissance et l’ingéniosité de l’action. Ses décisions seront éclairées par le feu de la destruction, et alimentées dans le foyer permanent de l’analyse critique. »

Certains mythes qui continuent à hanter les révolutionnaires, doivent être démolis de toute urgence si nous ne voulons pas nous contenter de simplement chérir l’idée de la liberté. Ne craindre ni les ruines, ni le bouleversement total de l’existant, ne pas nous leurrer dans l’attente d’une prise de conscience généralisée ou d’une participation à des luttes enfermées dans la logique du pouvoir. C’est là que surgit la question de l’insurrection.

[Réédition de « Qui a peur de l’insurrection?« , ed. Tumult, 2012, épuisé]

mars 2020
176 pages – 4 euros

Voici l’avant-propos de l’éditeur

AVANT-PROPOS

Certes, la force subversive des désirs et des rêves ne peut pas être négligée. Personne ne peut souhaiter le bouleversement total de ce monde d’exploitation et de domination, simplement parce qu’il a faim. L’être humain et la liberté sont des choses bien plus complexes, qui ne peuvent se réduire à des questions d’estomac. Mais certains de ces mythes soutenus et nourris par l’histoire révolutionnaire, doivent être démolis de toute urgence si nous ne voulons pas nous contenter de chérir ces désirs, si nous voulons vraiment détruire l’existant. Ne craindre ni les ruines, ni la révolution sociale, ne pas nous leurrer dans l’attente d’une prise de conscience généralisée ou la participation à des luttes enfermées dans la logique du pouvoir. C’est là que surgit la question de l’insurrection : ces tentatives d’attaque contre le pouvoir, qui ne correspondent pas, pour autant, aux caractéristiques d’une véritable révolution sociale. Car attendre le « Grand Soir », attendre l’organisation des masses exploitées, attendre que la classe entière prenne conscience d’elle-même, nous éloigne plus que jamais de véritables perspectives pour lutter et attaquer.
Il n’est pas question ici, de prétendre qu’un certain nombre d’insurrections suffiraient à provoquer la grande subversion des rapports sociaux qu’est la révolution sociale ; l’histoire ne fonctionne pas avec des schémas additifs et une progression linéaire. Par contre, sans ruptures violentes, sans interruptions brutales de la reproduction des rôles sociaux de la domination, aucune transformation sociale n’est envisageable. Il s’agit alors de chercher, de comprendre et d’agir sur les terrains et dans les contextes qui nous permettent d’entrevoir la possibilité de telles ruptures. Il faut plus que de la bonne volonté ou de l’enthousiasme pour se préparer à l’insurrection, pour préparer l’insurrection. La question est complexe, sans cesse renouvelée, jamais résolue. Il s’agit d’appréhender un ensemble d’idées à approfondir, d’analyses à étendre, de méthodes à affiner ; bref, c’est une question de projectualité.
L’image idyllique et romantique de l’insurrection avec ses barricades, son peuple en armes, ses drapeaux et son ciel sans nuages relève bien sûr de ces mythes qu’il nous faut démolir. Les choses ne sont pas comme ça et ne le seront sans doute jamais plus. La conflictualité sociale est aujourd’hui confuse, mais parfois furieuse ; désespérée, mais parfois très destructrice ; diffuse, mais rattrapée en permanence par l’aliénation. Mais, c’est dans ce contexte, dans cet environnement toujours plus empoisonné, contrôlé et structuré par la domination et ses technologies, c’est avec cette population toujours plus aliénée et mutilée, toujours plus démunie de moyens d’expressions et de dialogue, qu’il nous faut élaborer ces projectualités insurrectionnelles. Et cela, sans aucune garantie de succès.
Mais chaque tentative a des conséquences qui vont bien au-delà du visible et palpable. Il ne s’agit pas d’entretenir un nouveau mythe, mais de promouvoir les expériences d’auto-organisation et d’attaque des individus qui s’insurgent contre le pouvoir, au-delà du temps et de l’espace de la domination — dans le cœur, le corps et le cerveau des gens. Seules ces expériences-là nous permettent d’espérer — ou mieux, de rendre possible — la pratique de la liberté.
Le projet insurrectionnel nous invite à nous débarrasser de l’un de ces grands mythes, qui réduirait la transformation sociale à une question quantitative. Le nombre suffirait à changer les choses et à transformer les rapports sociaux, la subversion serait une simple question de statistiques d’adhérents ou de dégâts occasionnés. Non, les choses ne sont pas comme cela, et elles ne l’ont jamais été. L’action révolutionnaire se situe dans un autre champ, celui de la qualité ; il s’agit de tendre vers des ruptures insurrectionnelles, qui feront surgir et pénétrer cette qualité dans la réalité de la domination. La critique explicite de la logique quantitative ne revient pas à prétendre que l’insurrection ne saurait être l’œuvre que de quelques poignées de révolutionnaires illuminés ; mais l’insurrection ne peut pas être envisagée comme un jeu de comptables, l’action minoritaire y joue un rôle déterminant. C’est pour cela aussi qu’aujourd’hui, les quelques poignées de révolutionnaires que nous sommes peuvent y réfléchir, s’y préparer et y contribuer.

* * *

Théorie et pratique ne peuvent pas être séparées, elles se confondent, s’influencent et se nourrissent réciproquement. Car la théorie ne peut pas avoir comme seul but de décrire la réalité, elle doit aussi être capable d’en tirer des perspectives, même provisoires et toujours incomplètes. Une perspective révolutionnaire ne peut jamais se résumer au simple résultat d’une somme de suppositions et de constats théoriques, elle rassemble toujours l’idée et l’action dans un ensemble plus ou moins cohérent. Les textes réunis dans ce livre sont nés justement de cette interaction. Il ne s’agit ni de modèles pour le futur, ni de recettes applicables à n’importe quelle situation, mais surtout de suggestions méthodologiques pour des compagnons qui veulent intervenir et contribuer à des ruptures insurrectionnelles. Le terme souvent vilipendé d’ « insurrectionalisme » renvoie donc tout simplement vers l’arsenal méthodologique dont disposent les anarchistes aujourd’hui pour contribuer à la création de conditions qui rendent l’insurrection possible. Les textes proposés ici constituent ainsi les fragments d’une recherche incessante s’efforçant d’analyser, de proposer, de critiquer cet arsenal. Cette recherche ne saurait se contenter ni de ce qui est, ni de réflexions théoriques déjà formulées, ni même d’expériences réalisées, elle doit continuer.
Les réflexions sur les méthodologies insurrectionnelles ne peuvent pas être séparées de l’élaboration d’un projet. Par projet, nous entendons l’ensemble toujours provisoire d’idées, d’analyses et de méthodes qui ciblent, qui sont projetés vers l’avenir. On ne peut certes pas prétendre que tous les anarchistes ont nécessairement un projet. Au contraire, les compagnons qui cherchent à élaborer un projet sont souvent une très petite minorité. Mais selon nous, c’est justement dans le projet que le faire peut devenir agir. L’élaboration et le développement d’un projet de lutte permet d’aller bien plus loin que la simple proclamation de notre anarchisme et les ondulations sur les vagues de la conflictualité sociale. Dire et expliquer que nous sommes anarchistes, que nous pensons ceci et cela sur tout et n’importe quoi ; se réunir dans un quelconque local, publier notre journal et assouvir notre indignation et notre colère de temps à autres sur une quelconque cible choisie au hasard, est très beau et peut-être parfois même agréable. Mais le développement de perspectives révolutionnaires et insurrectionnelles exige bien d’autres choses. Ces perspectives, aujourd’hui indispensables, ne peuvent naître que de projets de lutte, d’initiatives, si modestes qu’elles soient, qui cherchent à agir de façon cohérente sur la réalité de la domination.
On peut comprendre les réticences récurrentes face à de telles questions. De fait, nombre d’entre nous aimeraient que notre existence même, notre anarchisme, suffise, par la voie de l’exemple et de la prise de conscience, à subvertir les rapports de la domination. Lorsque les exploités ne nous « suivent » pas, nous voilà déçus à en devenir cyniques ; et si une partie d’entre eux s’enflamme, il nous est difficile de nous reconnaître dans leurs motivations supposées et nous nous sentons démunis face aux possibilités. Les réflexions proposées dans ce livre pourraient offrir quelques pistes pour sortir de ces impasses. Trouver des bases plus solides pour affronter la domination, mettre sur pied un projet de lutte, prendre l’initiative, même si les conditions sont loin d’être idéales, penser la révolte et l’insurrection dans des termes moins habituels… autant de suggestions pour trouver des angles d’attaque sur nos parcours. Car si l’on convient que tout ne peut pas dépendre de la bonne volonté, des bonnes intentions, de la spontanéité et des conditions historiques, certaines pistes de réflexion peuvent nous aider à construire quelques repères dans la mêlée. Et nous espérons alors que ceux qui, sur leurs parcours de développement d’idées et de révolte, ressentent le besoin et le désir de plus d’approfondissement, d’une compréhension plus précise des méthodes anarchistes pour engager la lutte, trouveront un intérêt à ces considérations.

* * *

A la fin des années 70, il devient clair, du moins en Italie mais aussi dans d’autres pays, que le soi-disant « deuxième assaut prolétaire au ciel » touche à sa fin. Tandis que l’Etat invite et incite de nombreux révolutionnaires à déposer les armes, avec des milliers de prisonniers comme monnaie d’échange, les restructurations au sein de la domination endiguent toujours plus la conflictualité sociale diffuse. Dans ces temps de reflux, certains compagnons anarchistes tentent d’élaborer de nouvelles perspectives combatives qui ne suivent pas le compromis démocratique, la « fin déclarée de la guerre contre l’Etat », la fin supposée « de la possibilité de lutte radicale ». Mais cette possibilité de nouvelles perspectives exige aussi un retour critique sur les années précédentes. Tandis que de nombreuses personnes tentent de se servir de la « défaite » des fractions armées pour enterrer toute possibilité de lutte radicale, d’autres essayent, dans une revue comme Anarchismo et ensuite, dans un journal comme Provocazione, de formuler une critique de la logique du parti armé sans balayer la nécessité de l’attaque destructrice. Des expériences sont faites avec des luttes « à la périphérie » : des luttes contre un aspect concret de la domination, sans perdre de vue la totalité des idées révolutionnaires, sans sombrer dans la politique, des luttes à caractère insurrectionnel. Dans certaines de ces luttes2, on expérimente le développement de propositions organisationnelles avec tous ceux qui veulent lutter sur une base d’auto-organisation, d’attaque et de conflictualité permanente ; dans d’autres cas, l’accent est mis davantage sur la possibilité d’attaques modestes et facilement reproductibles contre les structures diffuses et périphériques de la domination.
Le projet insurrectionnel partait donc, dans son développement permanent aussi bien sur un plan plus théorique que plus pratique, d’une critique des expériences passées et d’analyses des nouvelles formes de la domination. Au lieu de penser la lutte comme un affrontement symétrique, où deux blocs bien délimités s’opposent et où la logique quantitative domine, on approfondissait le concept de structures informelles n’ayant pas pour but de représenter toujours plus d’exploités ni de réunir un maximum d’anarchistes et de révolutionnaires autour d’un programme, mais mettant l’accent sur la qualité de l’affrontement avec la domination, sur des ruptures, fussent-elles temporaires et limitées, avec l’espace/temps de la domination. Face aux « organisations anarchistes de synthèse », comme des fédérations, qui fonctionnent autour d’une déclaration de principes et de congrès périodiques, on proposait d’ancrer les aspects organisationnels directement dans la lutte en cours. Au lieu de grandes structures, on proposait de s’organiser sur une base affinitaire, en petits groupes agiles, avec un parcours autonome en pensées et en actes, qui pouvaient donner lieu, autour d’un projet spécifique de lutte, à une coordination ou une organisation informelle.
Mais la question ne concerne pas seulement « l’intérieur » du mouvement anarchiste, mais aussi la façon dont les anarchistes peuvent développer des luttes avec d’autres exploités. En ce sens, des expériences ont été faites, d’une qualité autre que celle des modèles précédents, comme l’anarchosyndicalisme ou les fédérations : la formation et la construction de structures de base insurrectionnelles, vouées à la destruction d’un aspect concret de la domination. Structures dont on n’attend pas qu’elles se perpétuent dans le temps, qui ne sont pas orientées vers la défense des intérêts d’un certain groupe social ou d’une classe, mais qui sont des propositions organisationnelles pour passer à l’attaque. Quoique ces structures aient évidemment un aspect quantitatif, elles sont dans un certain sens peut-être plus des points de référence pour une certaine lutte, des points de référence pour une certaine façon de concevoir la lutte.

* * *

Appelons un chat un chat. Malgré de nombreuses années de développement et d’approfondissement du projet insurrectionnel, bien des compagnons en ont fait une caricature pour plus facilement prendre leurs distances. D’autres sont entrés en contact avec certaines idées et pratiques et ont décidé que « l’insurrectionnalisme » était la voie à suivre parce que ses formes sont radicales et qu’on y refuse le compromis et la remise de l’attaque. Sans vouloir prétendre qu’il n’existerait qu’une interprétation à respecter, de nombreuses incohérences et approximations nous sautent aux yeux. L’affinité est considérée comme identité, c’est-à-dire, la fusion complète entre l’un et l’autre, produisant inévitablement de l’idéologie, ou sinon comme autre mot pour sympathique, générant plutôt un milieu libertaire avec ses écueils que des groupes affinitaires anarchistes. Le refus de l’attente est confondu avec un refus de réfléchir sur les perspectives et l’élaboration de projets. L’organisation informelle est confondue avec des simulacres des organisations combattantes du passé avec leur série de sigles et de communiqués. Mais il ne sert à rien de crier pour des sourds.
Face à la confusion consciente ou inconsciente, un livre ne peut pas faire grand-chose, à part proposer d’autres pistes, d’autres angles de réflexions. Peu d’individus sont en effet capables de se regarder eux-mêmes droit dans les yeux et de soumettre leurs propres suppositions et pratiques à une analyse critique, et encore moins leurs a priori tellement confortables. Quelle meilleure justification pour l’éternelle répétition de la même chanson ? Publier un livre comme celui-ci n’a pas d’autre intention que de contribuer à ouvrir des espaces de débat et de discussion.
Certains compagnons ont exprimé leur préoccupation que ce livre puisse être pris comme une sorte de manuel, un livre de recettes pour dépasser leurs propres limites et insatisfactions. S’il est vrai que ces textes sont des fragments d’un parcours de recherche et se retrouvent réunis aujourd’hui dans un seul livre, nous comptons davantage sur l’esprit critique de ceux qui y chercheront des pistes pour approfondir leurs idées et en découvrir d’autres ; pour démolir les lieux-communs qui tendent à remplacer l’effort de réflexion individuelle. Il est aisé d’imaginer que le langage utilisé dans certains textes, plus ou moins courant à une époque, ne facilite pas forcément la compréhension, voire risque de provoquer un rejet préalable. Nous ne pouvons qu’espérer que chacun sache franchir ces éventuels obstacles pour creuser le fond. Les mots ne suffiront jamais à exprimer la vie et les pensées. Il faut chercher au-delà, et pour cela, un effort est indispensable.
Dans la recherche des façons d’intervenir dans la réalité de la conflictualité, nous ne pouvons nous contenter ni de modèles ou de recettes, ni des idéaux hérités des classiques de la subversion. Au-delà de la nécessité « d’étude permanente » sur tous les aspects de l’être et de la vie humaine, des capacités techniques et des instruments analytiques ; au-delà des approfondissements de nos idées et des visions de l’anarchie, l’approfondissement de l’anarchisme est nécessaire. L’anarchisme, compris comme la recherche théorique et pratique de méthodes, de perspectives et de manières pour avancer vers l’anarchie. Dans cette recherche, le projet et les méthodes insurrectionnels nous semblent ouvrir quelques chemins qui pourraient bien se révéler beaucoup plus adéquats à la réalité actuelle que d’autres méthodes. Cette intuition nous a poussés à publier ce recueil de textes. Cette même intuition qui nous pousse incessamment à explorer ces chemins, à les analyser et à les approfondir.

 

Un anarchisme hors norme (André Prudhommeaux)

« Nous croyons, pour notre part, que si l’anarchie effraye, c’est qu’elle est réellement effrayante, comme solution actuelle, pour des esprits dressés à la paresse mentale et à la servilité.
Tant qu’elle se présente comme utopie, comme jeu gratuit de l’esprit forgeant une hypothèse, notre doctrine conserve des sympathies souriantes, parfois un peu inquiètes ; mais, que sonne l’heure de la mise en pratique, et les plus fanatiques défenseurs de l’idée en paroles pâlissent devant sa réalisation.
Disons-le donc sans ambages : la perspective de vivre sans chef, sans dieu, sans patron, et sans juge, dans la pleine responsabilité d’adultes émancipés, loin de la paternelle autorité des lois, loin de la paternelle image d’un exemple à suivre — c’est là précisément, et non pas ailleurs, qu’il faut chercher ce qui cause toute la réprobation attachée à l’Anarchie. »

(A.P., Anarchie ou succédané ?, 1947)

Toute sa vie, André Prudhommeaux (1902-1968), anarchiste « inclassable » et toujours réfractaire envers les troupeaux, œuvrera pour la révolution sociale, seul chemin vers la réalisation de l’idéal anarchiste. De son adieu à la doctrine marxiste à la critique de la technocratie, de son rejet de l’idéologie à son effort constant pour approfondir la pensée anarchiste, de sa méfiance envers les organisations de masse (y compris libertaires) à l’intransigeance contre tout opportunisme, sa conception de la liberté partira toujours de l’individu et du combat permanent contre toute oppression et exploitation. Cela l’amènera à défendre l’incendiaire du Reichstag et à critiquer durement les fossoyeurs de la révolution espagnole, à s’opposer à toute centralisation dans le mouvement anarchiste et à œuvrer inlassablement pour un renouveau permanent de l’anarchisme. Sa plume prolifique n’était pas vouée à caresser dans le sens du poil, mais à froisser les croyances et à secouer les consciences. Ce recueil de textes de sa main n’est rien d’autre qu’un appel précieux à « l’effort constant de la réflexion ».

422 pages, format 19×13 cm
10 euros

Les chaînes technologiques d’aujourd’hui et de demain

 » Le diable s’est installé dans un nouveau domicile. Et quand bien même nous serions incapables de le faire sortir de son repaire du jour au lendemain, il nous faut au moins savoir où il se cache et où nous pouvons le débusquer, afin de ne pas le combattre dans un coin où il ne se réfugie plus depuis longtemps — et pour qu’il ne se paie pas notre tête dans la pièce d’à côté.  »

Cet essai cherche à survoler les domaines que la recherche se propose d’explorer dans les décennies à venir (nanotechnologies, biotechnologies, sciences cognitives, technologies de l’information) et de dresser la liste des avancées technologiques qui ont radicalement transformé le rapport à soi, aux autres et au monde ou qui s’annoncent. On pourrait dire qu’il est incomplet, mais son but n’est pas là. Il s’agit d’une incursion de reconnaissance sur le territoire de l’ennemi afin de disposer de quelques éléments supplémentaires pour orienter notre activité destructrice.

Sommaire
Avant-propos : une nouvelle cartographie pour l’attaque contre le pouvoir
Les chaînes technologiques d’aujourd’hui et de demain
Le labyrinthe technologique
Causes et conséquences
Du court-circuit en black-out social

122 pages (deuxième édition augmentée)
4 euros

Sur le fil du rasoir (Finimondo)

« Aller vers le rien créateur ne s’épuise pas dans l’acte de la négation, c’est un coucher de soleil qui précède l’aurore. Détruire ce monde à sens unique pour permettre la naissance d’une infinité de mondes. »

Voici un recueil de paroles d’ennemis de toute autorité, qui cherchent à naviguer sur les eaux tumultueuses de la guerre sociale en esquivant les marécages dans lesquels les subversifs risquent de s’embourber, en tentant d’anticiper les rochers sur lesquels la pensée et la pratique anarchistes pourraient s’échouer. Leur horizon ? Le défi que si ce monde court à sa perte, rien n’est perdu. Leur boussole ? Une inimitié intransigeante envers le pouvoir, y compris lorsqu’il se cache sous les habits du révolutionnaire. Et surtout, l’exigence éthique que l’idée et l’action vont de pair. Car pour que l’idée ne flétrisse pas, il faut l’action pour la revigorer ; pour que l’action ne tourne pas en rond, il faut l’idée pour l’enchanter.

Novembre 2019 // 136 pages
4 euros

Face à face avec l’ennemi. Severino di Giovanni et les anarchistes intransigeants

FACE À FACE AVEC L’ENNEMI
Severino Di Giovanni et les anarchistes intransigeants dans les années 1920-1930 en Amérique du Sud

560 pages – 13 x 19 cm
12 euros (8 pour distro)

Argentine, années 1920. Le vaste pays est en plein essor industriel et des milliers d’émigrés de partout débarquent dans le port de Buenos Aires. Ils y trouvent d’importantes agitations sociales, comme celle pour la libération des anarchistes Sacco et Vanzetti condamnés à mort, et un climat marqué par d’innombrables grèves, boycotts, sabotages et émeutes. C’est là qu’un anarchisme intransigeant va naître et faire violemment irruption dans la rue. En dehors des vastes organisations libertaires établies depuis des décennies, des anarchistes vont empoigner la plume pour appeler à l’action et le revolver pour vider les coffres des banques. Ils vont mettre la main à la mèche pour faire résonner la voix de la dynamite et à la pelle pour creuser des tunnels afin de libérer leurs compagnons incarcérés. Ils se tacheront les mains d’encre pour éditer des livres et mélangeront les acides pour faire sauter les socles de la société. Ils tireront à bout portant sur les tortionnaires et rejoindront, le journal et la marmite explosive dans le sac, les grèves et les agitations de rue. Mais surtout, ils vont réunir l’idée et l’action, la conscience et l’attaque, le cœur vibrant et la main décidée dans un formidable assaut contre la société autoritaire et capitaliste.

En suivant les traces de l’un d’entre eux, Severino Di Giovanni, ce livre fait revivre les parcours de dizaines d’anarchistes qui se sont battus jusqu’à leur dernier souffle contre tout ce qui représente le pouvoir, pour la liberté et l’anarchie.

Voici l’avant-propos du livre :

« J’ai beaucoup d’amour pour notre cause et je suis capable de tout pour la favoriser », écrivait Severino Di Giovanni quelques mois avant d’être fusillé dans une lettre à un autre compagnon. Son amour pour l’idéal anarchiste n’était pas platonique : c’étaient ses palpitations ardentes qui allaient le pousser à monter aux sommets rebelles de la pensée et de l’action. L’anarchisme n’est pas uniquement l’action, comme il n’est pas uniquement la pensée : il rejoint les deux aspects dans une grande accolade passionnée. En bonne compagnie, Severino est allé jusqu’au bout de son amour. Certains de ses compagnons sont morts sous les balles des sbires, d’autres ont passé de longues années derrière les barreaux ; quelques-uns sont partis en exil pour échapper à la répression, d’autres ont pu continuer à frayer sur place, dans les méandres de la guerre sociale, leurs chemins de combattants pour l’idéal.

Si leur champ d’action principal était l’Argentine et le côté uruguayen de la Río de la Plata, les anarchistes qui se sont retrouvés là dans les années 1920-1930 venaient de partout. Beaucoup avaient fui la réaction fasciste en Italie, d’autres la répression impitoyable en Espagne, d’autres encore, comme des milliers d’émigrés, étaient venus attirés par une fausse promesse de bonheur. Certains avaient déjà été expulsés à cause de leurs activités subversives aux États-Unis, mais pas mal d’entre eux étaient nés au bord de la Río de la Plata, dans la pampa argentine ou au pied des Andes. Et les circonstances dans lesquelles ils allaient rêver et agir étaient tout sauf pacifiées. L’industrie argentine était en plein essor, attirant de nombreux investissements de capitaux étrangers. Les conflits ouvriers et paysans étaient rythmés de grèves, d’attentats, d’émeutes, et souvent réprimés dans le sang. La plus grande fédération ouvrière du pays, la FORA (Federación Obrera Regional Argentina), était d’orientation anarcho-syndicaliste et était forte d’une longue tradition de lutte. Son journal, La Protesta, était le seul quotidien anarchiste au monde. Mais de nombreux autres groupements, unions, cercles et groupes anarchistes existaient en dehors de la grande organisation. Ils n’en partageaient pas les tendances centralisatrices, et rejetaient l’attitude de pompiers que certains de ses dirigeants adoptaient régulièrement. Il y avait par exemple des syndicats autonomes radicaux des boulangers, des cheminots, des dockers, des peintres, des mécaniciens, des taxis ou des maçons. Un autre grand journal, La Antorcha, hebdomadaire celui-là, existait et œuvrait dans un sens plus spécifiquement anarchiste, mais plein d’autres journaux et feuilles plus petits étaient édités dans nombre de villes et de régions du vaste pays. En plus, il y avait de nombreux cercles d’anarchistes immigrés, se regroupant plutôt par région ou pays d’origine.

La deuxième moitié de la décennie 1920 sont des années marquées par un mouvement massif de solidarité internationale pour arracher Sacco et Vanzetti à la chaise électrique, la montée du fascisme et de régimes totalitaires en Europe, et une accentuation de l’exploitation capitaliste partout dans le monde avant la Grande Dépression des années 30. Et au bord de la Río de la Plata, Severino Di Giovanni et ses compagnons allaient donner vie à un anarchisme intransigeant. Intransigeant quant aux idées, refusant de confondre l’anarchisme avec une sorte de syndicalisme radical, avec une version plus dure que le socialisme politique ou encore avec un antifascisme démocratique. Intransigeant aussi quant à l’agir : leur idéal n’était pas uniquement une vision du monde, une philosophie de vie, une perspective de transformation sociale, c’était aussi une déclaration de guerre à toute autorité, à tous ceux qui représentent et défendent l’autorité. Et dans cette guerre, il n’y allait pas y avoir de trêve possible.

Ces anarchistes s’organisaient dans différents cercles et groupes qui se liaient entre eux pour s’entre-aider, partager une logistique clandestine ou élaborer de plus vastes projets d’attaque. Ils considéraient la lutte anarchiste comme un tout. L’agitation peut se faire par les journaux, les tracts, les perturbations, et aussi par des coups de feu et des bombes. La révolution est la voie par laquelle passer pour abattre l’hydre étatique, les sangsues capitalistes et la société autoritaire, mais elle n’est pas un coup de tonnerre par ciel clair : elle est suggérée, préparée, encouragée et précipitée par les actions des minorités agissantes et les tentatives insurrectionnelles. Et c’est par amour pour l’anarchisme que ces réfractaires à tout ordre allaient exproprier des banques pour soutenir les anarchistes emprisonnés et financer l’édition de journaux et de livres. C’est par ce même amour qu’ils allaient abattre le tortionnaire et participer de façon explosive à des grèves générales. C’est encore par ce même amour qu’ils allaient faire tout leur possible pour libérer les leurs et critiquer durement les pontifes et leurs suiveurs qui préféraient les bêlements de moutons d’un grand mouvement organisé et dirigé au fracas de bataille des poignées disparates et des mêlées émeutières.

Leur point de départ était l’individu et sa rébellion, et non une quelconque catégorie sociale ou une organisation de masse. C’est tout naturellement qu’ils s’organisaient au gré de leurs affinités et connaissances plutôt que par adhésion formelle à un programme. S’ils employaient l’expression « anarchisme autonome », c’était pour souligner leur indépendance vis-à-vis des organisations syndicales (y compris de tendance libertaire) ou des organisations de synthèse (y compris anarchistes). S’ils se dénommaient volontiers « anarchistes expropriateurs », c’était pour marquer leur différence avec ceux qui subordonnaient leurs activités aux prescriptions du code pénal. Ils tendaient vers la qualité dans tout ce qu’ils faisaient : le combat pour les idées comme un chant de la vie. Pour eux, l’anarchisme, c’était aussi la beauté, la joie, la sensibilité, la compagnie de complices, la générosité, le courage… autrement dit, la montée des sommets. Ce n’est pas pour rien que l’on peut trouver dans les pages de Culmine ou d’Anarchia, journaux édités par Severino et ses compagnons, non seulement des appels à l’action, des apologies d’attaques, des articles d’agitation et d’analyse sociale, mais aussi des poèmes, des extraits littéraires, des textes historiques et philosophiques, des variations sur l’amour libre et des recensions artistiques. Car quand la vie brûle, elle veut tout dévorer. Elle dit oui à toutes les possibilités, elle affirme fièrement la volonté individuelle.

Sans surprise, les journalistes et les puissants ont traité Severino et ses compagnons de « terroristes » et de « bandits ». De l’autre versant, certains anarchistes de l’époque les ont qualifiés de « provocateurs » et de « fascistes ». Ne se limitant pas à mener une campagne systématique dans leur journal La Protesta contre « l’anarcho-banditisme » qui causait tant de remous dans les eaux stagnantes du « mouvement officiel », ils y rajoutaient des calomnies et des infamies, en particulier contre Di Giovanni. L’histoire de l’anarchisme est pleine de débats et de polémiques, parfois très durs et virulents comme celui-ci en Argentine à la fin des années 1920, et cela constitue quelque part aussi sa richesse. Si des principes de refus de toute autorité, sous toutes ses formes, sont au cœur du mouvement anarchiste, et qu’il exprime une tension vers la libération de tout joug, il bat au rythme des discussions et des divergences sur les méthodes de lutte, les perspectives de transformation sociale, les formes organisationnelles. Il ne s’agit donc certes pas d’avoir peur du débat (même dur) qui tranche, ou de craindre la polémique qui divise (au sens d’une exposition croisée de deux ou plusieurs points de vue nettement différents). Si les idées nous tiennent à cœur, il y a aussi à les chérir et les défendre, quitte à s’embrouiller possiblement avec d’autres. Par contre, la calomnie et l’infamie sont des armes qui ont blessé plus grièvement que les balles de l’ennemi. Ces procédés sont souvent employés, hier comme aujourd’hui, par ceux qui veulent exercer une hégémonie sur le mouvement, qui ne supportent pas que certains décident de courir, y compris dans tous les sens, plutôt que de suivre la marche lente (« du mouvement », « de l’histoire », « des contradictions sociales », etc.) et par les renégats qui n’ont même pas la dignité d’assumer leur renonciation à l’anarchisme qu’ils avaient peut-être embrassé un jour, mais qui leur est devenu trop lourd et exigeant.

Si l’histoire de cet anarchisme intransigeant de la Río de la Plata est largement méconnue, cela doit probablement avoir quelque chose à faire avec son contenu perturbant, ses gestes éclatants, son ardeur qui pousse à aller audacieusement au-delà des codes établis (y compris du « mouvement »). Comble d’ironie, c’est au final un journaliste démocrate libertaire et optimiste de l’être, qui se dédiera à la fin des années 70 à une grande recherche dans les archives pour déterrer l’histoire des « anarchistes expropriateurs ». Son livre fut interdit et brûlé par les militaires argentins au pouvoir, ce qui n’a pas empêché sa diffusion ultérieure et sa traduction en d’autres langues (parfois subventionnée par l’État argentin). Depuis, quelques autres essais, tous très lacunaires, ont été publiés, mais à l’instar du livre de celui qui qualifiait Di Giovanni comme « l’idéaliste de la violence », aucun n’a réussi ou cherché à reconstruire les différents parcours de ces dizaines d’anarchistes expropriateurs en Argentine et Uruguay, et encore moins à fournir les éléments pour situer, comprendre et dialoguer avec leur anarchisme intransigeant, basé sur l’autonomie de l’individu et des groupes, la coordination des efforts, l’action minoritaire, la solidarité.

Ces anarchistes, exhumés en dépit de l’oubli intéressé que leur vouaient les révolutionnaires au cortex cérébral en carton, arrachés aux intérêts académiques désireux de les confiner entre la mythopoïèse et la réduction de leurs parcours à une simple exaltation de la violence anarchiste. Soustraits à l’œuvre honteuse des incrédules, qui pensaient Severino incapable d’aimer mais publient pourtant ses lettres d’amour à sa jeune amante ; des médiocres, qui ne comprendront jamais les sentiments de celui qui répugne à une vie en chaînes parce qu’il aime trop le courage de les détruire. « Ce qui nous motive, c’est exclusivement le grand amour pour nos choses, » écrivait Severino à un compagnon. L’attention insidieuse qui leur a été dédié jusqu’aujourd’hui est bien au-dessous des aspirations qu’animaient ces compagnons. Nous proposons en français cet œuvre qui leur donnera enfin une place digne et cohérente dans notre patrimoine anarchiste.

Mais un avertissement est tout de même de mise. Ceux qui s’attendent à une lecture limpide et lisse seront déçus. Ceux qui aimeraient lire un roman d’aventures à défaut de vivre leur propre aventure feraient mieux de le mettre tout de suite de côté. Car ce livre, l’anarchisme dont il parle, ne se prête pas à une digestion facile. Si les appels sont fougueux, le sang coule souvent. Si l’amour pour l’anarchie est infini, l’ardeur pour le vivifier peut être implacable. Si la conviction et le courage poussent à aller vers les sommets, les chutes sont aussi abruptes que brutales.

On pourrait se poser la question. Que reste-t-il encore aujourd’hui d’un tel anarchisme fougueux et passionné ? Restent-ils encore aujourd’hui des compagnons et compagnonnes qui se jettent à corps perdu dans leur bataille, qui agissent en fonction de leurs possibilités, qui s’en donnent les moyens et sont prêts à faire des efforts pour aller au-delà de ces possibilités ? Qui embrassent l’action et la pensée, mélangeant la chimie explosive aux détonations de la poésie viscérale ? La rose qui a fleuri dans cette décennie-là au bord de la Río de la Plata était un anarchisme qui réunissait dans une grande accolade tous les aspects de la guerre contre l’autorité. Se dédier avec la même ardeur à l’édition d’un journal qu’à l’expropriation d’une banque, à la diffusion d’une parole anarchiste parmi les grévistes qu’au dynamitage d’un consulat, à la paralysie du transport ferroviaire qu’à la constitution d’une imprimerie, à l’amour pour les complices qu’à la destruction des institutions : voilà une accolade qui embrasse la vie tout entière.

Si ce dont il est question dans ce livre n’est pas une relique du passé, un récit appartenant à une époque morte et enterrée, mais quelque part aussi une suggestion actuelle pour tous, c’est à l’individu rebelle qu’il revient de relever le défi, et d’entreprendre à son tour la montée vers les sommets de la pensée et de l’action.

La Russie souterraine. Esquisses du mouvement révolutionnaire russe (1860-1880) (Stepniak)

Le révolutionnaire russe Sergueï Kravtchinski, Stepniak, avait un objectif clair à l’esprit en publiant en 1892 le livre « La Russie souterraine ». Il voulait faire parvenir au monde une esquisse intime du combat acharné que les révolutionnaires russes étaient en train de mener contre le régime du tsar et du capital.

Dans ce livre, Stepniak aborde les idées portées au sein du mouvement révolutionnaire russe de l’époque en dressant des portraits de ses compagnonnes et compagnons et en racontant certaines épisodes qui caractérisaient leur lutte clandestine comme des évasions, des réseaux de soutien et de solidarité, des attentats à l’explosif et des assassinats visant les responsables du régime. À travers son implication directe dans ce mouvement et sa vaste connaissance du combat, il jette une lumière radieuse sur les motivations et les activités des nihilistes et des social-révolutionnaires russes. En même temps, le livre ne manque pas de soulever des questionnements qui intéresseront encore aujourd’hui tout individu dont le cœur palpite au rythme de la lutte contre l’oppression et l’exploitation.

« Le révolutionnaire s’est juré d’être libre. Il le sera au défi de tout. »

258 pages – 8 euros

 

Sabaté. Guérilla urbaine en Espagne (1945-1960) (Antonio Telléz Solá)

Après que l’insurrection révolutionnaire de 1936 ait été étouffée dans une guerre civile, les troupes franquistes prennent possession de l’ensemble du territoire espagnol en 1939. Afin d’échapper à cette réaction meurtrière, de nombreux rebelles prennent le chemin de l’exil forcé ou de la clandestinité. Envers et contre tout, des groupes d’action et de guérilla décident alors de relancer la lutte subversive contre un ennemi implacable.

À travers le récit de la vie de Francisco Llopart Sabaté, un de ceux qui empoignera les armes pour tenter d’abattre le nouveau régime, c’est le portrait de toute une génération de combattants anarchistes qui est dressé ici. Sabaté fut de ces hommes et femmes qui mirent leurs vies en jeu au cours d’un long combat courageux contre la dictature de Franco, pour la liberté et la révolution sociale.

130 x 190 mm – Couverture sérigraphiée – 400 pages
10 euros

Je sais qui a tué le commissaire Calabresi (Alfredo M. Bonanno)

À la fin des années 60, l’Italie est traversée par des fortes agitations sociales. C’est dans ce climat de révolte que le 12 décembre 1969, un massacre est commis Piazza Fontana à Milan, provoquant 16 morts et 88 blessés. Au lendemain du massacre, le commissaire Luigi Calabresi se rend au local du groupe anarchiste et demande à Giuseppe Pinelli de venir à la préfecture où se trouvent déjà de nombreux anarchistes raflés. Dans la nuit du 15 au 16 décembre, Pinelli est « défenestré » lors d’un interrogatoire par le commissaire Calabresi. Il décède quelques heures plus tard à l’hôpital.

Le 17 mai 1972 sera un jour funeste pour le « commissaire-fenêtre ». Tout semble devoir se passer comme d’habitude, la routine habituelle du matin : le petit déjeuner, le bonjour à l’épouse enceinte, les deux gamins, l’un âgé de deux ans, l’autre de onze mois, quelle scène familiale.
En ce jour funeste, vers neuf heures du matin plus ou moins, le commissaire Luigi Calabresi descend dans la rue. Son destin l’attend là, à neuf heures et quinze minutes exactement, sous la forme de deux balles, une première, puis une seconde.

Avril 2019 // 80 pages
3 euros

La joie armée (Alfredo M. Bonanno)

Dépêche-toi compagnon, tire tout de suite sur le policier, le juge, le patron avant qu’une nouvelle police ne t’en empêche ; dépêche-toi de dire non avant qu’une nouvelle répression te convainque du fait que de dire non est insensé et fou et qu’il est juste que tu acceptes l’hospitalité des hôpitaux psychiatriques. Dépêche-toi d’attaquer le capital avant qu’une nouvelle idéologie ne le rende à nouveau sacré. Dépêche-toi de refuser le travail avant que quelque nouveau sophiste te dise, encore une fois, que « le travail rend libre ». Dépêche-toi de jouer. Dépêche-toi de t’armer.

Ce livre a été écrit en 1977 au moment où des luttes révolutionnaires se déroulaient en Italie, il faut avoir à l’esprit la situation de l’époque pour le lire aujourd’hui. Le mouvement révolutionnaire, y compris les anarchistes, étaient dans une phase d’extension et tout semblait possible même une généralisation de l’affrontement armé.
Ce livre est encore d’actualité mais d’une autre façon. Non pas comme la critique d’une structure monopolisante, le parti armé, qui n’existe plus, mais parce qu’il peut montrer les capacités potentielles des individus suivant leur chemin avec joie vers la destruction de tout ce qui les oppresse et les régule.

Avril 2019 // 80 pages
3 euros

L’hôte inattendu (Alfredo M. Bonanno)

La mort et la vie. Tel est le sujet de ce livre. Se placer à la croisée de ces deux réalités, c’est regarder dans l’abîme sans trembler, sans se laisser happer vers le bas, de manière à trouver une solution quelconque à des problèmes trop grands, trop angoissants. La vie peut être une apparence – c’est en fait ce qu’elle est presque toujours –, mais elle est différente de la mort.
Certaines personnes mènent une vie de mort, une vie de cadavre, et ne se rendent même pas compte, lorsqu’elles meurent, de ce qu’elles viennent de perdre. Nous, nous ne pensons jamais que notre vie est unique et qu’il n’y a pas de réplique. Vivre est donc un engagement qui peut accéder à l’être, tout comme cela peut rester une ombre projetée sur le mur de la caverne des massacres.
Lorsqu’on se met en jeu aussi dangereusement – et ce livre est une vision approximative de ma mise en jeu –, peut-être accède-t-on aux conditions de la vie, peut-être comprend-on le mouvement intrinsèque du vivre lui-même.
La vie c’est l’être, et l’être c’est la qualité. La qualité ne se trouve pas dans le faire, mais dans l’agir. La vie est donc action. La mort, dont il sera tellement question dans ce livre, est un moment de la vérité dans l’action, une qualité primaire aux côtés de la liberté. Dans l’action, je peux irrémédiablement rencontrer ma propre mort, et je peux déterminer la mort de l’ennemi.

130 x 190 mm – 366 pages
10 euros

Charbonnerie El Buen Trato

1930, Montevideo, capitale de l’Uruguay. En face de la prison de Punta Carretas, l’anarchiste Gino Gatti et sa famille décident d’ouvrir une charbonnerie : « El Buen Trato ». Les affaires vont pour le mieux. Cependant, en mars 1931, la famille Gatti décide de quitter Montevideo et de déménager en Argentine, pliant boutique après moins d’un an d’activité.

Quelques jours après le départ de la famille italienne, les voisins de la dorénavant ex-charbonnerie remarquent des gens qui sortent en courant de l’établissement. Alarmés, ils avertissent la police qui arrive aussitôt et fait irruption sur les lieux. Une fois à l’intérieur, les agents mettent bien peu de temps à comprendre qui étaient ces personnes qui fuyaient. En effet, au fond d’une pièce, ils découvrent un trou dans le plancher, un puits parfaitement éclairé qui s’enfonce profondément. À côté de la cavité, il y a un billet qui dit : « La solidarité entre les anarchistes ne se réduit pas à des paroles ».

Sept des évadés, de même que les constructeurs du tunnel, faisaient partie des groupes d’action anarchistes qui agissaient en Amérique du Sud dans les années 20 et 30. Recherchées et persécutées sans relâche par la police, ces individualités anarchistes menèrent une lutte contre l’État qui, si elle ne dura que quelques années, fut sans répit et se matérialisa dans des attentats, des expropriations, ou dans l’organisation d’évasions. Une lutte sans répit contre l’ennemi.

Livre format 12×17 cm, 74 pages
4 euros

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(Comptez 30% de réduction à partir de cinq exemplaires)

Hors Service

Hors Service
recueil d’articles du journal anarchiste 2010-2014

228 pages, 6 euro

 

L’introduction au livre :

Après la fin de l’aventure du journal Hors Service, force est de constater que nous non plus, nous n’avons pas « trouvé » le Toison d’or. On l’a voulue, désirée, rêvée. On a combattu, on s’est obstiné, on a reçu des coups. On s’est mis en péril, on s’est mis à nu en entreprenant ce voyage, on s’est hasardé dans des terres inconnues. Si notre bateau n’est pas arrivé à destination, c’est que la destination doit être le voyage même.

Le journal que nous avons commencé à éditer en cet hiver 2010 a été un beau voilier pour poursuivre nos rêves. Parfois les vents sont venus bousculer nos cartographies et les tempêtes ont bien secoué les voyageurs. Tant mieux, c’est la tempête qu’on voulait ! La tempête en nous, la bataille têtue contre un monde de morts. On a brisé le carcan des conventions et du moindre mal pour laisser s’enflammer nos coeurs. Et ils ont brûlé, toujours cherchant à porter le feu non seulement devant les portes des ennemis de la liberté, mais aussi dans les corps de nos contemporains.

La parole est une compagne de voyage capricieuse. Elle cherche à jeter des ponts, à ouvrir des brèches dans ce qui a toujours été la cible première de l’autorité : l’esprit et le coeur des hommes. Généralement elle échoue, errant dans le désert. Mais parfois elle peut devenir cri, blessant la chair infestée d’idéologies, de croyances, d’obéissances. Il n’y a pas de forme qui soit plus propice qu’une autre, car c’est toujours une blessure individuelle, un coup de couteau dans le ventre du singulier. Sinon, la parole ne serait qu’artifice de propagande intéressée, de recrutement, d’embrigadement.

Est-il encore possible aujourd’hui d’utiliser la parole pour diffuser les idées anarchistes ? Y a-t-il encore un sens à entreprendre des aventures telles que l’édition d’un journal ? Est-ce que nos mots pourraient encore être compris par d’autres ? Ces questions ne devraient pas recevoir une réponse trop rapide et méritent une réflexion plus approfondie. Les montagnes de mensonges et de manipulation accumulées par le pouvoir, son programme d’annihilation de la vie intérieure de l’homme, de sa sensibilité et de son imagination, de sa capacité à raisonner et à aimer pourraient rendre de telles oeuvres absolument obsolètes et désespérées. On serait amener à croire que la seule parole qui devrait encore être lancée en défi aux esclaves de ce monde, devraient être la foudre et le feu. Pour tout détruire. Pour tout raser au sol. Au péril d’y succomber nous aussi. Mais la destruction risque de rester prisonnière de ce monde si elle ne développe pas en même temps l’imagination, la sensibilité justement, de la liberté. Si elle ne peut pas voir dans les flammes ravageuses aussi la joie de sa liberté à l’oeuvre, une promesse prométhéenne. Pas d’un monde comme on l’a décrit maintes fois par le passé dans les livres anarchistes, pas d’une utopie qui fait miroiter un paradis dans l’au-delà, mais l’exigence vitale de ne pas être réduit à un rien qui sème du rien autour de soi. Nos armes doivent être chargées de futur, et la parole pourrait encore jouer un rôle là-dedans.

Le journal Hors Service ne s’est certainement pas, on l’espère bien, distingué par sa volonté d’édifier un quelconque paradis ou lexique de l’anarchisme. Mais nous n’avons pas non plus laissé nos désirs devant le seuil de la porte. On a conçu ce journal comme une petite barque qui nous permettait d’aller explorer des îles perdues, des jungles sauvages, de hautes montagnes dans le brouillard. Mais toujours en cherchant à suggérer quelque chose, quelque chose de particulier. Une petite chose, dirait-on. Une petite chose qui s’appelle attaque. Et pas juste une attaque générique qui s’approcherait de la vacuité des catéchismes de l’anarchisme, mais des attaques précises, frappant les responsabilités précises, l’attaque qui intervient comme un hôte inattendu dans le monde des choses et des hommes pour y porter la destruction et la désorganisation. C’est sans doute un aspect fondamental de ce que pourrait être aujourd’hui une diffusion des idées anarchistes : la suggestion de l’attaque, les informations précises nécessaires à son développement, la défense des actes qui sèment le trouble dans la marche du pouvoir. Pour être capable de faire cela, de s’y essayer en tout cas, il faut certains ingrédients qui sont les mêmes que tout autre projet de lutte anarchiste : la connaissance du terrain, l’analyse des rapports sociaux, l’étude des moyens de lutte. C’est peut-être avec ce petit extra que des anarchistes pourraient contribuer à nourrir ce qui couve dans le ventre de la société.

Hors Service, épinglé dans deux enquêtes anti-terroristes qui ont visé des anarchistes et anti-autoritaires en Belgique, ne s’est pas d’abord adressé aux autres anarchistes, ce journal était justement un vaisseau pour intervenir dans les réalités sociales, notamment dans les quartiers populaires de Bruxelles. Sa diffusion se faisait tous les mois (et pendant quelque temps, on a sorti des numéros toutes les deux semaines), à quelques milliers d’exemplaires, de main en main dans la rue. La façon d’écrire, la taille des articles, les angles d’attaque, la forme, les langages n’ont pas pris le dessus sur les idées qu’on a voulu défendre ; le journal a donc été anti-politique. Mais cela ne nous a pas empêché de saisir beaucoup mieux l’infinité des possibles du langage, tout en se heurtant aussi à ces limites. Nous croyons que cette expérience peut démentir autant ceux qui prétendent qu’il n’y a plus rien à dire, que toute parole est devenu inerte et donc superflue, que ceux qui face au défi de la diffusion des idées anarchistes, se disent qu’il vaut mieux tout adapter, tout rabaisser, tout niveler afin d’accroître les chances de pouvoir jeter ce fameux pont de la communication et du dialogue. Cette dernière hypothèse est tout simplement fausse. Appliquer des procédés politiques à la diffusion de l’idée anarchiste n’ouvre qu’une seule voie : rentrer dans les rangs dans l’« opposition critique », et ultérieurement, inévitablement, dans les girons du pouvoir. On croit pouvoir affirmer que l’expérience de Hors Service prouve qu’il reste possible de parler aux autres des idées anarchistes sans devoir les diluer, de proposer des suggestions de lutte sans faire des calculs avec le code pénal en tête, de développer des analyses propres qui ne tanguent pas à gauche et à droite dans l’illusion d’ainsi combler le prétendu « vide théorique » des anarchistes. Il faut juste oser et ne pas avoir peur de finir sur les récifs.

Dans ce recueil, nous avons repris une sélection d’articles parus dans le journal. Il n’a pas été facile d’établir les critères de ce choix, ni de les suivre toujours.

« Contre l’odieux accouplement du conformisme et de la terreur, contre la dictature des « moyens « oublieux des fins dont ils se recommandent, la Joconde de l’utopie peut, non pas l’emporter, mais faire planer à nouveau son sourire et rendre aux hommes l’étincelle prométhéenne à quoi se reconnaîtra leur liberté recouvrée. »
Georges Henein, 17 août 1945, Le Caire.

Éclats de liberté – La lutte contre la construction d’un nouveau centre fermé

« Développer une lutte qui ne se focaliserait que sur les quatre murs du nouveau centre fermé est d’avance condamnée à échouer dans une une impasse. La construction de ce nouveau centre prend place dans un tissu complexe de rapports sociaux d’oppression et d’exploitation.

C’est pour cela qu’il nous paraît plus intéressant de développer une lutte – en mots et en actes – décentralisée et qui s’élargisse à tout ce qui fait exister la machine à déporter. Démêler ce sac de noeuds et viser juste sous-tend déjà la conviction que la domination est un rapport social qui peut être remis en cause partout et à tout moment. De la sorte, nous pouvons aussi éviter de nous enfermer dans la logique du nombre, du quantitatif – une étincelle au bon endroit et au bon moment suffit pour mettre le feu à la prairie. »

 

Livre – 194 pages

5 euros

Zo d’Axa – De Mazas à Jérusalem

« Plus rien ne nous attache au passé, mais l’avenir ne se précise pas encore. Et forcément nous allons mal compris comme des étrangers. Et c’est ici et c’est là, c’est partout que nous sommes étrangers. »

En 1895 sortait à quelques mois d’intervalle à Bruxelles et Paris sous deux titres différents un même récit des pérégrinations de Zo d’Axa, notamment traqué par la police pour « provocation au meurtre » de magistrats suite à plusieurs articles parus dans L’Endehors, qui allaient le mener de Paris à Jérusalem, en passant par Londres, Rotterdam, l’Allemagne, Milan, Turin, Trieste, Patras, Constantinople et jusqu’à Jaffa en Palestine.

A l’occasion d’une coédition, Tumult (Bruxelles) & Mutines Séditions (Paris) viennent de réimprimer ce livre, complété d’une préface et d’une longue note biographique.

224 pages – 6 euros en distro et 8 euros en librairies

Et pour vous donner une idée, voici un extrait de la préface :

La révolte de l’individu désorientait et désoriente encore aujourd’hui les révolutionnaires qui n’ont d’oreille que pour les masses qui traînent les pieds. Si on parcourt la grande majorité de la littérature anarchiste actuelle, on ressent toujours cette même gêne, cet embarras quand leurs auteurs parlent de la fin du 19e siècle. Attentats à la bombe, meurtres, violence… les « années folles de l’anarchie ». Ils se livrent alors à d’invraisemblables tours acrobatiques afin de minimiser ces déflagrations et de les faire passer comme de simples maladies infantiles de l’anarchisme. Pourtant, c’est peut-être bien le coeur même de l’anarchisme qui caractérisait cette époque : pensée et dynamite, idée et action, main dans la main. L’imagination et la créativité dans sa propre vie et son propre combat, la liberté qui déploie ses ailes, l’individu qui commence son voyage.

Comme les Argonautes, Zo d’Axa savait que la joie réside dans les aventures qu’offre le voyage – quelles qu’elles soient – et non pas dans la découverte finale de la Toison d’Or. « Un sûr moyen de cueillir la joie tout de suite : détruire passionnément », c’est comme cela qu’il chantait le plaisir de la révolte. S’il était un ennemi de l’Autorité, c’est parce que ce n’est que dans le combat contre cette dernière que le voyage individuel est possible. C’est pour cela qu’il refusait de faire miroiter des lendemains qui chantent aux yeux avides et tristes des exploités et des opprimés, qu’il passait au crible leur crédulité et leur docilité, et qu’avec plus de fougue encore, il les exhortait toujours et à tout moment à s’insurger.

Quand un enfant erre dans le noir, il commence souvent à chanter fort pour s’encourager. De la même façon, nombre d’aspirants-subversifs ont pris l’habitude de bâtir des constructions théoriques pour faire face à la panique qui les saisit d’un coup à la seule pensée d’une existence sans certitudes, y compris lorsque ces certitudes sont l’oppression et l’absence de signification. Zo d’Axa préférait volontiers ne pas se plonger dans toutes ces analyses socio-économiques tant appréciées par un certain type de propagande révolutionnaire avide de confirmations objectives, de propositions réalistes et de résultats mesurables.

Une hérésie donc, hérésie contre les certitudes, y compris celles des mouvements révolutionnaires.

La révolte contre l’Autorité commence par le choix de l’individu, un choix qui échappe à la catégorisation en « rationnel » ou « passionnel », un choix qui ne peut pas être reconduit à des « conditions objectives » ou à des programmes idéologiques. Zo d’Axa a vécu une époque où, malgré la répression sanglante et l’exploitation féroce, idée et action s’embrassaient intimement dans la vie de certains individus, où des histoires de voyages commençaient, parfois courtes, parfois longues, parfois tristes, parfois joyeuses, mais toujours intenses et intempestives. Au-delà des époques et des distances, de telles aventures sont encore à saisir aujourd’hui. Peu importe où tu te trouves, d’où tu viens, l’âge que tu as.

Nous vivons dans un monde où toute sensibilité est engloutie par la marchandise, où l’obéissance et la docilité éradiquent progressivement tout sens, toute imagination, où l’Autorité commet toutes les atrocités imaginables et transforme la planète en cimetière. Alors te voilà seul devant toi-même et ce désir de vivre qui jaillit malgré tout. A toi le choix, mais n’attends pas trop longtemps.

Qui a peur de l’insurrection ?

Commander ce livre ici.

Alfredo M. Bonnano – Qui a peur de l’insurrection ?

2012 – 182 p. -5 euros

Ce livre regroupe différents textes ayant trait à l’hypothèse insurrectionnelle, partant d’une critique des organisations anarchistes formelles et le gradualisme ambiant.  « L’insurrection de grandes parties ou de toute une population à un moment donné, présuppose quelques éléments déjà existants, à savoir la décomposition des conditions sociales et économiques, ou l’incapacité de l’Etat à maintenir l’ordre et à faire respecter les lois. Mais elle présuppose également l’existence d’individus et de groupes d’individus capables de saisir le bouleversement au-delà des singes extérieurs par lesquels ils se manifeste. Il faut donc, chaque fois, savoir regarder plus loin que les motivations souvent circonstancielles et secondaires qui accompagnent les premiers foyers insurrectionnels, les premiers affrontements, les premières escarmouches afin de pouvoir apporter sa propre contribution à la lutte, de ne pas la freiner ou la sous-estimer comme une simple réaction de souffrance confuse à l’égard de la domination politique en place. »

Voici le sommaire du livre:

La lutte révolutionnaire et l’insurrection

Qui a peur de la révolution ?

L’idéal en lambeaux

Des choses bien faites et de celles faites à moitié

Qu’est-ce que l’insurrection ?

La méthode insurrectionnelle

Affinité

Individu, groupe affinitaire et organisation informelle

Le projet révolutionnaire

La révolution et la réalité

Brique par brique – Se battre contre la prison et son monde (Belgique 2006 – 2011)

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2012 – 340 p. – 5 euro

Cinq années de troubles dans les prison belges. Cinq années de révoltes, de mutineries, d’évasions. Cinq années d’agitation, d’actions et d’attaques contre la prison et son monde. cinq années de douleurs, d’isolement, de punitions, de tabassages et de morts aussi. Cinq années de paroles qui esquissent la liberté et posent en conséquence la destruction nécessaire de tout ce qui lui fait obstacle. Cinq années sans trajectoire rectiligne, sans autre logique, sans autre rythme que les palpitations de la vie même et le combat pour la liberté qu’elle inspire. Ce livre n’est alors qu’une tentative de partager cette force vivante, qui a encouragé tant de prisonniers du dedans comme du dehors, tant de compagnons, tant d’inconnus et d’anonymes à se battre contre l’univers carcéral.

Ce livre rassemble textes, lettres, tracts, affiches, actions et attaques de ces dernières cinq années, issus de la lutte contre la prison et son monde.

A couteaux tirés

A couteaux tirés avec l’Existant, ses défenseurs et ses faux critiques

 

112 p. – 5 euro – co-édition de Mutines Séditions (Paris) et Typemachine (Belgique)

Commander ce livre.

 

Enfin, s’il est un point qui nous tient particulièrement à coeur, c’est de sortir de la tyrannie du nombre qui sert trop souvent d’excuse à la résignation ou à l’expectative. Agir à peu et sur des bases claires ne signifie en effet pas forcément agir isolément. Si on sait que quelques nuages noirs suffisent à obscurcir le ciel, on sait également que tout objectif de lutte spécifique que l’on pourrait mener à quelques-uns contient aussi en soi, potentiellement, la violence de tous les rapports sociaux. La question n’est alors pas de voir autour de soi un océan plus ou moins vaste d’esclaves, mais de savoir ce que nous voulons, nous.
« Il sera toujours temps de claquer la porte ; autant se révolter et jouer ».