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Entre océans, forêts et volcans. La lutte radicale mapuche

Printemps 2022 // 56 p. reliées
Prix libre // éditions La Souterraine

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Sommaire
* En guise d’introduction
* Entre océans, forêts et volcans. (Un aperçu de la lutte radicale
mapuche)
* C’est dans le feu du weichan que nous te commémorons, weichafé Toño ! (Coordinadora Arauco-Malleco (CAM))
* Communiqué commun après la mort de Pablo Marchant (Weichan Auku  Mapu (WAM) & Resistencia Mapuche Lafkenche (RML))
* Sur la participation à la convention constituante (Comunidades mapuche en resistencia de Malleco)
* Sabotage contre l’industrie gravière (Groupe autonome révolutionnaire du Maule)
* L’État chilien déclare l’état de siège (Octobre 2021)
* Communiqué de Liberacion Nacional Mapuche (Novembre 2021)
* Communiqué de Weichan Auku Mapu (Novembre 2021)
* Attaque incendiaire contre un camion forestier à Penco (Décembre 2021)
* Communiqué de la Resistencia Mapuche Lafkenche (Décembre 2021)
* Communiqué de la Coordinadora Arauco-Malleco (Décembre 2021)
* Chronologie d’actions et de sabotages (2021-2022)

En guise d’introduction

Dans les territoires habités par les communautés mapuche, dont les terres furent accaparées par des investisseurs capitalistes, défigurées par les exploitants forestiers, ravagées par les entreprises énergétiques, polluées par les industriels et colonisées par des suppôts de l’État chilien ; les dernières décennies ont été marquées par une lutte incessante. S’il existe une riche hétérogénéité et diversité parmi les organisations de lutte mapuche et les communautés mapuche en résistance, la lutte dans le Wallmapu se déroule principalement autour de deux axes. D’un côté l’occupation de terres investies par des entreprises capitalistes ou par l’État, afin de les arracher à leur contrôle et de les restituer aux communautés mapuche ; et de l’autre, une pratique constante et diffuse de sabotage, d’action directe et de lutte armée, visant tout ce qui matérialise la domination étatique et capitaliste sur les territoires du Wallmapu qui s’étendent des côtes du Pacifique (au Chili) à celles de l’Atlantique (en Argentine).

Si cette publication n’a ni la prétention, ni l’ambition d’expliquer en détail la cosmovision mapuche, leurs coutumes ancestrales, leur spiritualité, les rapports au sein de leurs communautés, elle vise plus modestement à donner un aperçu de l’ampleur de la lutte qui s’y déroule, principalement à travers les communiqués et des déclarations faites par les organisations de lutte ou les communautés mapuche en résistance. Une chronologie qui ne prétend pas non plus à l’exhaustivité accompagne cet recueil de textes – que nous publions non pas parce que nous y adhérons sans critique, mais parce qu’ils permettent de se faire une idée du panorama et des différentes expressions de la lutte radicale mapuche.

Soulignons donc d’emblée deux grandes lacunes dans cette publication. En premier lieu l’absence d’un approfondissement plus analytique de ce qui là-bas est rassemblé dans le concept de « reconstruction nationale mapuche », à savoir, la reconstruction de leurs communautés, la récupération de leurs savoirs et coutumes ancestraux, la tentative de recentrer leurs rapports sur les valeurs, l’éthique et la spiritualité propres à leur cosmovision. Et en deuxième lieu, le fait que ces textes, comme la chronologie des actions et sabotages, ne permettent peut-être pas de saisir les nombreuses expressions de la conflictualité qui agite le Wallmapu. Ainsi, les actions de blocage, manifestations, affrontements avec la police, les combats lors des expulsions, mais aussi les pratiques plus durables visant par exemple l’autonomie alimentaire par une approche non-productiviste et non-capitaliste de l’agriculture, ou l’abandon du consumérisme de masse en faveur de petites productions artisanales, ou encore les activités culturelles approfondissant la cosmovision mapuche et les rapports sociaux qui en découlent,… constituent une vaste et importante trame de cette lutte virulente, et ne sont possiblement pas assez mis en relief dans ce recueil qui ne couvre qu’un an de lutte (de 2021 à 2022) et qui se focalise surtout sur la lutte d’un seul côté des Andes, celui sous domination de l’État chilien.

A l’heure où ces lignes sont écrites, le Wallmapu se trouve toujours sous état d’urgence. En plus d’importantes forces policières, des troupes militaires sont également déployées afin de mater, ou au moins de freiner, la lutte radicale mapuche en pleine expansion ces dernières années, notamment depuis la vaste révolte sociale qui a secoué le Chili à partir d’octobre 2019. Elle va maintenant devoir faire face à un nouveau président, de gauche cette fois-ci, investi en mars 2022, et dont la mission ne pourra qu’être de désamorcer ces processus insurrectionnels avec une politique de pacification et d’intégration. Ce nouveau président est épaulé par une convention constitutionnelle, instaurée après la révolte de 2019 – 2020 pour réécrire la constitution, laquelle semble indispensable pour essayer de reconstruire un consensus social autour de l’État chilien, secoué par cette formidable révolte dans ses centres urbains et par la lutte acharnée dans les territoires mapuche.

La lutte radicale mapuche nous inspire pour sa continuité, pour son rejet catégorique de toute tutelle étatique, pour son combat acharné contre l’exploitation et la spoliation capitaliste, pour son choix de l’action directe contre l’extractivisme et la dévastation de la terre et du vivant. A l’heure où dans le monde entier, les conséquences de l’avancée folle de la machine industrielle et technologique se ressentent chaque jour un peu plus, où les changements climatiques provoqués par l’industrialisation pourraient bien inaugurer des scénarios inouïs, risquant de reconfigurer drastiquement les assises de la domination, cette lutte dans un coin « perdu » du monde où des habitants et habitantes porteurs de façons de vivre antagonistes avec le capitalisme et l’étatisme se battent pour conserver ou retrouver chaque mètre accaparé et exploité par des entreprises et l’État, pourrait avoir une signification qui dépasse le territoire du Wallmapu. C’est un conflit où la critique anti-industrielle et le refus du développement capitaliste réussit à faire vivre un monde différent, un monde de communautés autonomes qui tentent de vivre dans et avec la nature, et non sur son dos. Certes, ces communautés ne sont pas exemptes de structures hiérarchiques, ni de créer des oppressions en leur sein, et leurs organisations de lutte sont traversées elles aussi par des hiérarchies, des divisions basées sur le genre, des tendances à l’hégémonie ou une méfiance envers d’autres expressions plus libertaires de lutte radicale contre l’État et l’industrialisme. Mais elles n’ont en tout cas pas le culte de la domination étatique, de l’exploitation de la faune et de la flore, d’une folle course en avant vers un monde toujours plus artificiel et vers une vie toujours plus assistée.

En ces temps de militarisation du Wallmapu sous état d’urgence et marqué par l’acharnement irréductible de la part de celles et ceux qui y affrontent les forces de la domination étatique et capitaliste, le tissage de liens de solidarité entre ici et là-bas, entre le combat auquel les weichafé, les combattants et combattantes mapuche, répondent présent et les modestes batailles ici que les anarchistes et d’autres rebelles cherchent à mener contre le cauchemar industriel et le monstre étatique, ne peut être vain. Une solidarité qui ne cherche pas à effacer les différences, qui n’exige de personne de mettre entre parenthèse sa particularité, son exigence, son éthique, mais qui cherche une complicité dans l’action, dans l’attaque directe et sans médiation contre ce qui dévaste la terre et étouffe la liberté.

Premier jour du printemps 2022

Tout feu, tout flamme. Entretiens avec des anciens des Cellules Révolutionnaires (RZ) Allemagne, 1973-1993

Tout feu, tout flamme
Entretiens sur la résistance armée avec des anciens des Cellules Révolutionnaires (RZ)
Allemagne, 1973-1993

En 1973, deux attentats à la bombe contre une multinationale des télécommunications en République Fédérale d’Allemagne marquent les débuts de ce qui allait devenir les Revolutionäre Zellen (RZ, « Cellules Révolutionnaires »). Inspirées par les mouvements de libération armés dans le dit tiers-monde et portées par l’agitation subversive qui secoue les métropoles occidentales, les RZ réalisent des dizaines d’attaques, ciblant plus particulièrement le complexe militaro-industriel. Au début des années 1980, elles définissent un angle plus social-révolutionnaire avec le foisonnement d’importantes luttes offensives contre la construction de centrales nucléaires et d’autres nuisances industrielles, de conflits contre l’OTAN et le militarisme, de combats contre le patriarcat et les nouvelles technologies, ou encore de révoltes d’une jeunesse enragée. Dotées d’une solide logistique souterraine décentralisée, les RZ revendiquent près de 200 attentats, principalement explosifs et incendiaires, jusqu’en 1993.

Dans ces entretiens, trois anciens des RZ donnent leur vision du parcours historique de cette organisation de résistance armée. Avec une disponibilité au débat encourageante, ils dressent des bilans critiques, s’interrogent sur l’action offensive, réfléchissent sur les difficultés qu’implique une structure organisationnelle décentralisée mais permanente, questionnent les rapports au sein des groupes d’action souterrains et reviennent sur les péripéties de vies ayant une dimension de combat clandestin.

« Notre objectif est et a toujours été la diffusion de la résistance armée, était et reste le soutien d’un réseau de groupes autonomes qui, en tant que tendance armée au sein du mouvement, sont capables d’agir par eux-mêmes dans leurs villes et régions, qui y poussent plus loin les contradictions. »
(RZ, 1981)

580 pages // 16 euros
Sommaire

Les raisins de la colère            (introduction)

Entretiens avec trois anciens des RZ  sur la résistance armée
Créer une, deux, trois…
Anti-impérialisme et révolution sociale
Créer du contre-pouvoir, s’organiser
Autonomisation ou avant-garde
Morale révolutionnaire. Le désastre d’Entebbe
Le choix des armes
Rupture et nouveau départ
Les femmes forment leurs bandes
Mobilisations offensives et sabotage
Les raisins de la colère
Révolution sociale contre la politique migratoire impérialiste
Antiracistes et antipatriarcales, mais comment ?
Contrecoups et  descentes de police
Répression et solidarité
Gerd Albertus est mort
Forces centrifuges
Trahison et solidarité
Groupes, structures et constellations
La lutte continue

Quelques textes de discussion des RZ
Lutte subversive dans le mouvement anti-nucléaire
8 ans des RZ, deux pas en avant dans la lutte pour l’esprit des gens et le nôtre
Le mouvement contre la Startbahn West
Beethoven contre McDonald’s
Gerd Albertus est mort
La fin de notre politique
Quand la nuit est la plus profonde… le jour est le plus proche

Chronologie  (1967-1995)                  

Synthèse du procès à Berlin contre des personnes accusées d’avoir appartenu aux RZ                    
Procès contre Sonja et Christian        

À main armée (Alfredo M. Bonanno)

« Au fond, le problème est toujours celui-ci : personne ne nous fait des cadeaux, il n’existe pas de conditions faciles pour s’approprier les connaissances indispensables à l’action. penser l’arme seulement dans la dimension technique de son emploi, c’est une façon comme une autre de fuir le problème de fond de la connaissance critique, la mesure et la condition active de toute attaque contre l’ennemi de classe.

À main armée, c’est donc un problème de réflexion, un mouvement de la conscience, un moment, même extrêmement concentré dans le temps, où celui qui prend l’arme cherche à comprendre pourquoi il a choisi cette prothèse d’une violence et d’une agressivité particulières. »

Avril 2020 // 180 pages // 4 euros

Sommaire

Avant-propos
Clément Duval et le problème du vol
La fracture morale
Malatesta et le concept de la violence révolutionnaire
Alexandre Marius Jacob
L’ombre du justicier
Makhno et la question de l’organisation
Mourir innocents est plus enrageant
La bête insaisissable

 

Un extrait de l’avant-propos:

La véritable arme de l’homme, c’est la main.
L’homme est un animal que la nature a sélectionné avec une main qui a le pouce opposé aux autres doigts.
Un animal qui attrape, qui veut prendre, avoir du solide en main, faire sien.
L’arme, dans sa signification essentielle, est donc la prothèse qui augmente la capacité active de la main. En grec, « prothèse » signifie l’acte de mettre en avant. Quand on y pense bien, depuis les flèches dont les pointes étaient faites de morceaux de silex appointés, utilisées par nos lointains prédécesseurs, jusqu’aux armes sophistiquées d’aujourd’hui qui frappent à distance et multiplient par milliers la cible unique d’antan, le fil du développement technologique est unitaire et ininterrompu.
Se servir d’une arme est facile. Aussi l’imbécile peut donc s’armer. Plus encore, dans la majorité des cas, derrière l’arme se trouve presque toujours un imbécile, ou au moins quelqu’un qui y est contraint le dos au mur.
La société produit une marginalisation constante, son mécanisme impitoyablement compétitif pousse vers l’extrême périphérie de la survie une énorme quantité de personnes.
Le manque de travail n’est qu’une partie du problème, souvent c’est un lieu commun et un alibi.
Celui qui n’a pas de travail, s’arrange de quelque façon, réduit ses prétentions, réduit à l’essentiel sa demande de biens, se construit une niche dans la société qui, dans ce cas-là, est même prête à venir à sa rescousse, à l’aider avec une quelconque allocation misérable, mais elle veut toujours d’abord s’assurer de sa disponibilité de rester dans les rangs.
Le travail peut aussi consister à prendre des armes. Pensez au militaire, au policier, au garde du corps, ce sont des métiers où l’usage des armes est institutionnalisé et où l’on prévoit même une prime de risque en plus du salaire de base.
Celui qui le matin endosse l’uniforme, n’importe quel uniforme, qui met son arme dans sa poche et prend sa mitraillette de service, ne s’encombre pas de la moindre réflexion, ce sont des mouvements conditionnés, son métier a fait taire tout réflexe moral que son geste pourrait encore avoir à la lumière d’une petite réflexion.
À main armée, c’est donc un problème de réflexion, un mouvement de la conscience, un moment, même extrêmement concentré dans le temps, où celui qui prend l’arme cherche à comprendre pourquoi il a choisi cette prothèse d’une violence et d’une agressivité particulières.
Revenant à la question des prothèses, il me semble évident que même dans le choix le plus argumenté, il peut encore rester un brin de stupidité. Il n’y a jamais de collocation nette dans ce genre de choses. Rien n’est blanc ou noir. La vie est nuance et modulation, y compris dans la stupidité.
J’ai connu des compagnons dont j’appréciais la disponibilité humaine et l’engagement révolutionnaire, qui manipulaient avec une voluptueuse précision et une évidente satisfaction une arme, qui en caressaient l’acier brunâtre et lisse, qui en admiraient la structure et la puissance, un genre d’imbécillité plus répandu de ce que l’on pourrait croire, y compris parmi les compagnons.
Donc, entre la main qui serre l’arme et l’arme qui est serrée par la main, par la main qui l’accueille et la maîtrise, il doit y avoir un contact, une sorte de frontière psychologique, toujours présente dans la conscience de l’individu qui empoigne une arme, qui a décidé d’empoigner une arme.

Alfredo M. Bonanno